Bruit produit la rétrospective de notre quart de siècle écoulé. Je crois que c'est un album qui se prête bien à l'exercice philosophique.
Notre nouveau millénaire a commencé un 11 septembre 2001 quand un papillon détourné de sa trajectoire a terminé sa course sur le World Trade Center, à deux reprises.
Ca ne s'est pas passé comme cela dans l'histoire du Réel.
Mais nous pouvons réécrire un futur. Un futur où ça s'est passé.
Tel pourrait être l'objet de cette rétrospective : nostalgique du possible ouvert.
Le no future était encore une provocation à l'égard du présent, avec une esthétique tabula rasa du passé. Il a laissé place à la culture du clic.
L'instantanéité convoque non le présent mais le passé sur la modalité du présentifié (ce qui est présence, devant nous). C'est la grande idée de la modernité, c.f. Faulkner. Ce qui veut dire que le passé est devenu immortel, parce que l'image survit a la suppression de sa cause. Ce qui veut dire aussi que notre avenir est malade.
Dans notre réalité les victimes d'assassinats violents n'ont jamais existé.
Elles continuent de vivre à travers leur memisation, la reproduction infinie de leur image.
C'est-à-dire qu'elles continuent de vivre sous la forme d'une image survivant à la disparition de sa cause.
Si on remonte le temps : L'assassinat de Kennedy n'a jamais eu lieu.
Kennedy est perpétuellement assassiné et rescussité par le pouvoir des images.
Il est mort le jour seulement où les images de son assassinat ont cessé d'être virales, d'être des memes.
Notre rapport aux technologies des écrans sont des rapports aux images et à l'immortalité.
Ne trouvez-vous pas ironique qu'un extrait de vidéo porte le nom désormais d'un "bout de réel" ?
Nous avons perdu la maîtrise du temps en même temps que nous avons perdu notre rapport au temps, son immédiateté. L'instantanéité a remplacé l'immédiateté. Nous ne croyons plus à la valeur de notre mortalité. Car nous vivons dans un présent perpétuel. Perpétualisé par l'écran (de notre ordinateur, smartphone, tablette, téléviseur, etc). Un present représenté, pré-digéré avant même d'être servi. En un mot l'instant est médiatique.
Le médium porte remarquablement son nom : il est un moyen de communication médiate. C'est-à-dire qu'il est le moyen-terme entre des interlocuteurs.
Les technologies des écrans sont des technologies de l'information et de la communication (des médias). Le paradoxe est tel que nous n'avons jamais été si bien informés et jamais aussi impuissants.
L'omniprésence des informations signerait-elle la résignation, la RÉSILIENCE ? C'est-à-dire notre passivité face au règne des images qui défilent sur nos écrans ?
C'est à nous d'agir aujourd'hui pour demain en regard du passé... de nous réapproprier notre rapport au monde et au temps. Rapports qui veulent dire quelque chose de nous, de notre être.