[Critique plus à froid]
Ce disque m’a pris aux sentiments tout de suite. Difficile de comprendre ce que j’écoutais par moments mais envie d’y revenir quand même. Y a-t-il une ligne mélodique ? Un continuum dans lequel s’installer ? Pourquoi ces ruptures ?
Mais la première écoute ne laisse aucun doute, j’ai entendu quelque chose de grand. De grandiose même. J’y reviens.
J’entends les instruments qui se grognent les uns aux autres pour se voler leurs textures. De nouveaux paysages sonores naissent, noirs et tranchants comme la lave solidifiée, doux et chauds comme le plumage d’un petit oiseau.
J’entends le calme après avoir ressenti l’urgence dans la première écoute. J’entends la batterie qui dialogue avec l’ensemble, qui semble parfois êtes la mélodie. C’est nouveau. Un contrepoint qui retient le tout comme les danseurs d'une valse, la valse en vertige de Camille Claudel. Un point d’équilibre toujours au bord du déséquilibre.
Age of Ephemerality est un maelstrom musical. Je n’utilise pas ici la formule comme un cliché usé. Une masse qui tourne comme une tornade emportant tout sur son passage, un volcan qui crache ses entrailles au ralentis, une immense formation orageuse sur le point de se déchaîner, un tsunami au calme trompeur. Tout ce qui tourne et jaillit au ralentis. Beauté et calme. Force et puissance.
Ce chaos de musique déchiquetée est rendu harmonieux par sa lente élévation giratoire. Ce monstre séduisant nous emporte et nous permet de le comprendre, peut-être parce que nous sommes dans le calme de l’œil du cyclone. Et nous ressortons épuisés mais lavés.
10/10
_
[J'avais écrit une première "non-critique", très émotionnelle et qui parlait peu de la musique finalement. Je la laisse quand même pour ceux et celles qui l'ont lu et y ont répondu. J'y disais :
Critique diagonale en pur ressenti. Entamée à l'écoute du disque et confirmée par le visuel découvert ensuite : https://www.youtube.com/watch?v=8bFlXzPDF7M ]
Si on n’aimait pas la vie, ça ne serait pas si grave. On n’aurait pas mal. Ce ne serait pas important de se sentir vivant aussi intensément. Et ce ne serait pas un problème de voir la laideur et la mort gagner.
Mais on l’aime. Et nous voilà, désespérés par des décennies de surdité, blasés, déçus, anesthésiés, dégoûtés.
« Qui aurait pu prédire? »... Connard !
Toutes les promesses de la bête de Koyaanisqatsi sont arrivées et la vidéo de l’album de BRUIT en est un exemple. Le dernier avatar de la bête, au terme si trompeur d’intelligence artificielle, permettra certes de mieux soigner, ou de mieux prévoir le désordre climatique, ou d’inventer de nouveaux objets plus économes mais permettra surtout des innovations pour la guerre, le contrôle au faciès, la manipulation des masses, des animaux élevés dans des conditions encore plus insensées...
50 ans à voir la méditerranée, déjà bien attaquée quand je suis venue au monde, se bétonner, toujours plus. Sur les côtes et dans les terres par des choix politiques bien clairs. Tuons le train, favorisons la bagnole. Mais qui aurait pu prédire…
Des années de militance perdues dans des partis pourrissant de l’intérieur à peine nés. De la consomm’action locavore inutile sans les lois appropriées. Des lois qui n’arrivent qu’au compte-goutte. Des mouvement pacifistes comme Nuit Debout et Occupy Wall Street moqués pour leur pacifisme. Les Gilets Jaunes et les Zadistes sont critiqués pour leur « violence » par des états policiers et violents. Des menteurs et des voleurs aux gouvernements. Des élections piégées. Des élections volées.
Opération surdité générale. Et voilà Trump, Poutine, Macron… Au nom de la paix, de la justice et de l’équité… Les ministères de 1984 en plein meilleur des mondes...
« Le monde d’après » qu’ils disaient... Ben il ressemble vachement au monde d’avant... en pire. Car nous sommes complices. Nous attendons impatiemment de sortir de nos confinements, de nos inondations, de nos incendies, de nos canicules toujours plus nombreuses, pour reprendre, vite, vite, une vie « normale ». C’est pas si grave, ça va passer. Qu’est-ce que tu as fais ces vacances, tu fais quoi pour Noël... Entre déni et incapacité à changer... Drogués à l’argent, obèses de faux progrès, nous en voulons encore, encore un peu, encore une fois, pourquoi les autres et pourquoi pas moi... Alors on continue à foncer... Vers Mars Horizon, rêve nouveau pour masquer le présent. Mais vous réalisez qu'on aura marsoformé la Terre avant d’avoir terraformé Mars !!!
Et si on y arrivait... On renverse tout, nouvelle constitution, on prends aux riches. Il faut, pas de question, je suis indiscutablement pour, sinon où est la justice et les moyens de la réparation écologique ? La question en creux : partager les richesses mais pour faire quoi. Plus d’argent pour plus de gadgets en plastique, de frivolité, de nutella, de Shein, de tourisme et de torture animale ?
On se sera phagocytés au nom de l’équité jamais obtenue et de l’ascenseur social pourtant en panne. Des particules de plastique qu’on va bouffer pour l’éternité aux absurdes bouchons sur l’Himalaya, nouvelle poubelle de l’humanité...
Il nous faudrait un descenseur social, pour ramener les riches parmi nous. Leur dire que Mec t’as pété les plombs, dégonfles, vient boire un pot avec nous. Et nous de dégonfler avec eux au passage pour ne pas rêver en secret de regarder les autres de haut à notre tour. Sinon pourquoi ce rêve d’ascenseur social..
Il est loin l’An 01, elle est loin la vélorution...
Ce soir avec BRUIT c’est tout ça qui remonte et qui sort. Ça fait un peu mal, mais seulement parce que j’aime cette vie, cette planète et cette étrange bête d’humanité. Car même en étant bien fatigué et pas mal anesthésié, il reste un son ou une couleur pour charmer. Quelque chose qui agite la corde intérieure. Et il y a plein de ces choses agitantes dans ce BRUIT.
BRUIT, c’est l’urgence actuelle qui se manifeste dans les changements brutaux de tons, de styles, de rendus et de moyens. Une longe plage post-rock électronique cède la place à quelques secondes d’arpèges acoustiques avant de passer dans des distorsions électroniques pour s’ouvrir dans de l’orchestral...
BRUIT c’est du beau qui tiraille. Du beau qui fait mal. Du beau quand même. Du beau en miroir de ses pensées, de ses émotions et de son vécu.
Tout ça est dans BRUIT. Des bouts de tout ce qui aurait pu être, tout ce qu’on a peur qu’il advienne et tout ce qu’on trouve beau malgré tout. Parce que c’est beau tout ce bruit. Parce que la beauté sera toujours partout, même dans la fin du monde, et qu’on aimera encore la vie. À la folie.