Sur disque comme sur scène, les six garçons de The Coral ont l'air d'avoir douze ans. Mais leur musique en a une bonne quarantaine, avec des jambes de vingt ans : elle connaît par cœur les mariachis mexicains (sans doute via Love, que le groupe reprend en répétition), le psychédélisme californien, le dub jamaïcain, le groove drogué de Madchester, la pop scintillante de Liverpool, le rock extrême de tous les damnés de la Terre. Particulièrement obsédé par la musique, dont il connaît intimement les moindres recoins, bruits de couloirs ou passage secrets, le groupe en a fait sa culture unique. Dans ce grand fourre-tout, on reconnaît autant les La s que Captain Beefheart, autant Grand Funk Railroad que les Specials. Les chansons sont joués à tombeau ouvert, expulsées plus que chantées, en moins de deux minutes pièce. Le groupe est entièrement monté sur ressorts, donnant à ces titres d'une autre époque (passé ? futur ?) une fougue et une folie communicatives.Ces six morveux passent effectivement en quelques secondes d'une sorte de free-punk amphétaminé à une folk-song éternelle, sensible et raffinée. Ils savent déjà tout faire mais ont tellement peur de rater quelque chose qu'il le font à une vitesse insensée. Les chansons sont jouées avec un telle vélocité qu'elles finissent régulièrement en une sorte d'hypnose qu'on avait pas vue, sur scène, depuis les Happy Mondays ou les Specials. Deux groupes qui, eux aussi, vivaient leur musique de l'intérieur, à s'en couper du monde. Il faut maintenant prier pour que leur ville Liverpool ? cette mère castratrice et jalouse, qui préfère tuer ses enfants que de les laisser partir ? ne détruise pas ces mioches à tête de pioche comme elle a su, avec son cortège de démissions et de tentations assassines, massacrer les La s, les Pales Fountains et des centaines d'autres. (Inrocks)
Annoncé un peu partout comme la “next big thing”, The Coral partage avec The Electric Soft Parade et The Music, autres groupes britanniques promis à une haute destinée, une moyenne d’âge tout juste post-lycéenne. Comme ses collègues, The Coral a les qualités et les défauts de la jeunesse : la fraîcheur, l’absence d’inhibitions, l’envie d’en découdre, mais aussi un certain manque de maturité mélodique et des références un peu trop évidentes. Encore que les leurs aient le mérite de la diversité. Certes, le groupe a été beaucoup comparé à ses concitoyens La’s, Echo & the Bunnymen et Teardrop Explodes (lyrisme et psychédélique), et l’on pourrait également ajouter à la liste les Mancuniens un peu oubliés des Inspiral Carpets. Mais certains morceaux (le tourbillonnant “Skeleton Key”), par leur aspect chaotique et déstructuré, ne sont pas sans rappeler Captain Beefheart ou ses continuateurs post-punk, tandis que “Dreaming of you” ou “Bad Man” sonnent plus classiquement garage 60’s. Quant à “Shadows fall”, il nous ramène à la grande époque du Monochrome Set, quand Bid et ses sbires portaient des chapeaux de cow-boys et se prenaient pour Ennio Morricone. Il y a même un petit interlude dixieland du plus bel effet. Sympathique mais, comme chez Gomez dont ils sont assez proches, pas de quoi crier au génie quand même. Pour l’instant, on n’échangerait pas un baril de Wolfhounds ou d’Automatic Dlamini contre dix barils de Coral (pourtant bien plus faciles à trouver aujourd’hui dans les grandes surfaces culturelles). On suivra quand même avec un certain intérêt leur évolution, eu égard à la vigueur et à la relative originalité de l’ensemble. Et peut-être pourra-t-on alors écrire une chronique qui ne se résume pas à une succession de références. (Popnews)