"Right before you lit my sky up" : The Life of a Showgirl selon B.A.M.

Vous pensiez qu’après deux années particulièrement riches pour Taylor Swift 2025 serait celle d’un repos mérité ? Eh bien que nenni ! Celle qui est progressivement devenue une superstar de la musique mondiale n’entend pas s’essouffler si facilement. Ainsi, après une tournée prolifique de presque deux ans et un album sorti en 2024, Mrs Swift est déjà de retour avec le projet The Life of a Showgirl, qui combine à la fois la sortie d’un album ainsi que celle d’un petit film à propos de sa création. Si le vaporeux The Tortured poet department proposait un univers mélancolique jugé plutôt fade par certains (dont moi), TLOAS était au contraire annoncé comme un projet plus joyeux et festif, encore lové dans les paillettes et sonorités Pop de la tournée s’étant achevée en décembre 2024.

Exit donc les couleurs fades. La nouvelle era se veut plus lumineuse et colorée, en attestent les teintes vertes et oranges affirmées qui sont désormais mises à l’honneur. L’imagerie fait également la part belle aux costumes de scène, bodies pailletés, plumes extravagantes, bijoux et autres accessoires. Le titre de l’album est lui aussi encore imprégné de l’ambiance des concerts : Taylor Swift s’est révélée être une showgirl sur scène, autant continuer de l’affirmer dans cet album qui s’inspire de cette période de sa vie. Mais la belle s’est également distinguée durant sa carrière grâce à des chansons plus calmes et textes nostalgiques, alors TLOAS se propose-t-il comme un pot-pourri de son univers musical ou comme un disque festif ? Les fans auront dû attendre la sortie de l’album ce 3 octobre 2025 pour s’en faire une idée, puisque aucun son n’avait été dévoilé jusqu’alors ! Stratégie ambitieuse et risquée mais réussie en l’occurrence.

La première des douze pistes de TLOAS est « The fate of Ophelia », dont le titre assez énigmatique est en écho avec la pochette du disque où Taylor Swift se trouve en tenue légère et scintillante immergée dans sa baignoire. Une attitude curieuse qui évoque en réalité Ophélie, personnage de la tragédie de Shakespeare Hamlet morte noyée après avoir progressivement perdu la raison. Ce destin tragique a inspiré de nombreux autres artistes notamment dans la peinture comme des tableaux de John Everett Millais ou J.W. Waterhouse… mais aussi la pochette de TLOAS désormais ! Il faut alors y voir une métaphore avec le fait que l’artiste manque de se noyer (par sa vie de célébrité par exemple) jusqu’à ce que l’on vienne la sauver du destin d’Ophélie justement. Et pour en revenir à « The fate of Ophelia », il s’agit selon moi de la piste la plus intéressante de l’album, à la fois pour son texte inspiré mais aussi sa musique synth-pop qui donne envie de se trémousser sans être pour autant dotée d’un tempo rapide.

Alors qu’Ophélie est un personnage fictif, la piste suivante porte quant à elle le nom d’une personne célèbre ayant réellement existé : « Elizabeth Taylor ». Une chanson moins enjouée que la précédente et où Mrs Swift compare sa vie à celle à qui elle doit son prénom… ou pas (elle le tient en réalité du chanteur James Taylor) mais ça aurait pu ! Vient ensuite « Opalite » qui est certainement la chanson la plus Pop et lumineuse de l’album. Je l’aurais volontiers imaginé être interprétée par Dua Lipa sur son Radical optimism pour son côté enjoué et un peu rétro. Traitant de l’attitude paternelle protectrice limite castratrice, « Father figure » semble plutôt "propre" dans sa forme mais peut toutefois se montrer moins subtile dans ses paroles avec par exemple « turns out dick’s bigger » – ceux qui voudront traduiront !

« Eldest daughter » demeure dans le thème de la famille avec ce coup-ci la figure de la fille aînée, sur une ballade au piano et guitare discrète. Taylor dépeint certaines attitudes malveillantes sur les réseaux mais finit par déclarer sa totale confiance et sa loyauté envers la personne qui l’entoure d’amour, une relation rare pour une personne autant médiatisée. Le piano est ensuite remplacé par une basse et quelques sons de percussions pour « Ruin the friendship », mais l’aspect Pop (lente) n’enlève pas la tristesse présente dans le texte. Le ton change donc avec « Actually romantic » puisque cette chanson, dont les quelques notes de guitare électrique ne la rendent pas spécialement mémorable, est l’occasion pour Taylor de répondre de manière sarcastique à une personne médisante (Charli XCX?) se réjouissant de ses déboires amoureux. Le texte décrit avec ironie que cette obsession malveillante s’apparente pour elle à une forme d’amour éprouvé à son égard, ce qui la flatte presque.

« Wi$h li$t » est quant à elle une véritable chanson d’amour, que l’on imagine dédiée à son fiancé Travis Kelce. La piste suivante lui est également dédiée, puisque « Wood » parle elle aussi d’amour mais davantage sur le plan physique avec notamment une phrase assez explicite où Taylor raconte que l’amour de son chéri lui fit ouvrir les cuisses. Une chanson plutôt coquine donc mais aux sonorités 70’s presque trop sages. Place ensuite à « CANCELLED! » que l’on peut qualifier de chanson la plus sombre de l’album, si bien qu’elle n’est pas sans rappeler l’époque du vindicatif Reputation. Les paroles font écho à « Eldest daughter » en s’ouvrant sur les critiques reçues en tant que célébrité mais d’autres ont fait les frais de cette malveillance, ce qui permet finalement de trouver une certaine solidarité entre personnes l’ayant vécu.

« Honey » apparaît ensuite plus fade, une chanson romantique comme les Swifties les connaissent et dont on ne pourrait se passer ici. Enfin, c’est « Life of a showgirl » qui vient clôturer la tracklist par un duo partagé avec Sabrina Carpenter. Toutes deux se connaissent bien puisque Sabrina a notamment gagné en popularité en assurant la première partie lors de certaines dates du Eras Tour. Leurs univers s’accordent bien et créent une mélodie Pop assez tranquille, peut-être trop pour en faire un succès radiophonique. La vie d’une showgirl peut certes être enviée, mais il s’agit d’un chemin difficile où il faut savoir faire preuve de persévérance et de lucidité, comme Taylor le décrit tout au long de l’album finalement.

Plus lumineux que ses créations précédentes, The Life of a Showgirl permet à Taylor Swift (épaulée par le duo Max Martin et Shellback qui avaient aussi été aux crédits d’albums à succès de la belle dix ans auparavant) d’asseoir son statut de star de la musique Pop. Les choix opérés pour créer ces douze chansons se révèlent toutefois un cran moins ambitieux et surprenants que ne laissaient présager le storytelling et l’imagerie à l’honneur pour cette era. Taylor Swift écrit comme à son habitude des textes dépeignant sa vie, réglant deux ou trois comptes au passages et déclarant son amour à son fiancé, mais le côté "show" aurait sans doute mérité d’être davantage exploité. On aurait aussi espéré des mélodies plus catchy et entraînantes, telle que « The fate of Ophelia » qui est LA réussite ici. TLOAS n’en demeure pas moins un album assez bon dans son ensemble, qui semble fermer une boucle pour l’artiste. Chiffres à l’appui, son immense notoriété lui assure un succès quantitatif immédiat. Éphémère, comme l’album précédent ? Possible…