Après son chef d’œuvre Animals, Pink Floyd s’essaie à l’opéra-rock. Sous les commandes de Roger Waters, le projet The Wall est lancé : celui-ci comprendra un double album, un film et la tournée de concerts qui va avec.
Conceptuellement, l’album tient la route, même si l’histoire de Pink n’est pas non plus du Dickens. Cependant, l’ambition conceptuelle est présente au point de peser trop lourdement sur l’album. The Wall semble piloté par le narratif de Roger Waters et non plus par l’alchimie du groupe dans ce qu’elle avait de fluide et d’organique sur les albums précédents.
Cela fait 26 morceaux à ingurgiter et ceux-ci sont inégaux. Trois titres magnifiques se détachent : à la fois intimistes et exaltantes, « Comfortably Numb » et « Hey You » forment un inoubliable diptyque sur la thématique de l’isolement. L’épurée « Goodbye Blue Sky », qui évoque la guerre dans une ambiance de cauchemar, est un autre moment fort de l’album. Ajoutons au tableau le rock tranchant de « Young Lust » et quelques autres morceaux tout à fait réussis : « In the Flesh », « Mother », « Is There Anybody Out There ? », « Run Like Hell ».
Là où le bât blesse, c’est le reste : plus de la moitié des titres sont faiblards voire ennuyeux. Privées de la latitude de liberté et d’expansion que permettait le format progressif à longs morceaux, ces pièces de 1 à 5 minutes paraissent comme « encapsulées » dans un album-concept qui peine à mettre en relief leurs qualités. On perd en fluidité et en beauté ce que l’on gagne peut-être en efficacité et en démonstration. Prenons le tube « Another Brick in the Wall Part 2 », par exemple : ce morceau entêtant et grandiloquent est pour moi l’antithèse de ce pour quoi Pink Floyd est un groupe exceptionnel.
L’ensemble sonne trop Roger Waters et pas assez Pink Floyd, en somme. Si vous voulez mon avis, The Wall n’est donc pas « le dernier grand album de Pink Floyd » et encore moins leur plus grand accomplissement comme on l’entend parfois, mais plutôt l’album qui inaugure leur décadence. De toute façon, le groupe ne sera plus jamais uni comme avant. Et pour ne pas vous laisser sur cette note pessimiste, je vous invite à découvrir les albums qui selon moi constituent le « grand Pink Floyd » :
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