The Western Lands
7.7
The Western Lands

Album de Gravenhurst (2007)

Il existe, quelque part dans le sud-ouest de l’Angleterre, une région qui semble avoir été épargnée par le très médiatique et récent retour des guitares. Une région dont les représentants n’occupent aujourd’hui que rarement la couverture du NME, quand il y a dix ans, sa capitale, Bristol, s’était au contraire rapidement retrouvée sous les feux de la rampe,  notamment grâce à ses plus célèbres figures : Massive Attack et Portishead. Cette ville, l’Anglais Nick Talbot y était justement arrivé en 1996 et ne l’a plus quittée depuis. C’est dans la grande banlieue de Bristol qu’il a façonné une bonne partie des morceaux qui aujourd’hui constituent The Western Lands, le quatrième album de son projet Gravenhurst. Ce qu’on ressent dès le très beau morceau d’ouverture, Saints, c’est que les fantômes qui cabotent depuis toujours le long des disques de Talbot n’ont pour leur part pas bougé d’un poil : The Western Lands est un véritable album hanté, sur lequel continuent de planer les spectres du post-rock de Tortoise et du krautrock allemand de Neu. Dans la lignée de celles de Slint, de Yo La Tengo ou parfois même, jolie coïncidence littéraire, de Caravan, les compositions de Talbot sont à la fois profondément mélancoliques, calmes et d’une violence inouïe, de véritables pierres tranchantes nichées dans un écrin de velours noir. Plus tard, c’est à d’autres artistes que l’on pense, de Sandy Denny, la chanteuse de Fairport Convention à qui le très beau She Dances est dédié, à William S. Burroughs – le titre de son roman de 1986 a donné son nom au disque. Pour autant, l’album de Gravenhurst ne ressemble en rien à un agencement artificiel de morceaux. En ressort au contraire une cohérence inattendue, qui rappelle d’emblée celle qui émane des disques de Sonic Youth, cousins non éloignés du jeune Nick Talbot pour cette manière de décomposer comme de composer la musique. “Je pense souvent que je serais mieux accueilli par la presse anglaise si j’étais américain. Je suis dans une situation assez délicate : en Angleterre, la presse raffole des groupes indie, des gangs de chez elle. Elle sait par ailleurs apprécier l’americana et ouvrir son esprit lorsqu’il s’agit d’artistes moins lisses venant des Etats-Unis. En revanche, composer ce genre de musique ici, c’est beaucoup plus difficile à faire accepter. Je suis beaucoup plus soutenu à l’étranger.” Le NME ne sait pas ce qu’il manque et on le remercie : il est de ces trésors qu’on est heureux de savoir bien cachés. (Inrocks)
Lorsque nous fîmes la connaissance de Nick Talbot, alias Gravenhurst, à travers le superbe Flashlight Seasons (2004), bien futés auraient été ceux capables de deviner dans quelle direction ce folk pastoral serait allé, si ce n'est pour l'indice de sa présence sur Warp, un label voué corps et âme à l'électronique moderne… Quelques mois plus tard, la sortie du Ep, Black Hole In The Sands (2004), clarifiait plusieurs points : que l'économie de moyens originelle n'était que le reflet d'une situation pécuniaire, qu'il n'était pas un suiveur lambda du train du renouveau folk, mais un authentique auteur-compositeur portant en lui les émotions cumulées de tous les grands noms de la musique des trente dernières années, des plus sages (Buffalo Springfield, Nick Drake), aux plus dissipés (Sonic Youth, Yo La Tengo, My Bloody Valentine) – une évolution que confirmera Fire In Distant Buildings (2005). Dès les premières mesures de The Western Lands, on est subjugué par la richesse et la clarté d'un environnement musical dont la précision et la finesse avoisinent le “piqué” de la peinture hollandaise du XVIe siècle. Autour de l'essentiel et central jeu de batterie de Dave Collingwood, Talbot tisse des arpèges rivalisant de douceur avec sa voix (Saints) et enroule des torsades de guitares ascensionnelles belles à couper le souffle (She Dances), mettant en valeur l'incroyable architecture des chansons. Les véritablement somptueuses quinze dernières minutes du disque sont de celles qui touchent au sublime. Avec l'agilité et la souplesse des grands félins, le groupe égale alors l'intemporalité du Velvet Underground (Hourglass), combine en suspension jazz et blues de façon maline (la basse tout en rondeur de Grand Union Canal fera ronronner de plaisir les boomers de vos enceintes), avant de clore le voyage dans un nuage bruitiste (The Collector). À vrai dire, personne cette année n'avait fait vibrer la lumière avec autant d'aisance et de maturité. Un grand album voué à moult superlatifs et indubitablement à la postérité.(Magic)


Il y a peut-être eu un léger malentendu au sujet du précédent album de Gravenhurst, "Fire in Distant Buildings". Ce dernier marquait bien une rupture esthétique forte par rapport aux précédents exercices folk de Nick Talbot, en proposant une sorte de noisy-folk hésitant entre violence et neurasthénie, et il a valu à son chanteur et compositeur une notoriété méritée, bien que relative. Mais il n'était sans doute pas le énième "grand disque malade", fruit du génie et du destin, que certains ont désigné. Assez grandiose dans sa transcription scénique, il s'avère un poil décevant à la réécoute, sans doute parce que, au-delà de ses morceaux spectaculaires, "The Velvet Cell" et "Cities Beneath the Sea", il suit le cours sinueux d'une inspiration languide et désespérée. Un disque à la fois impressionnant et inabouti, tout ce que n'est pas "The Western Lands", sorti ces derniers jours. D'ailleurs, très sûr de lui ou complètement inconscient, Talbot a accepté de voir sortir en premier single "Trust", morceau agréablement modeste, là où "Hollow Men", conjuguant la saturation des guitares et une superbe mélodie, ou le merveilleux "Hourglass" (dans un genre pop gracile où on ne voit guère que le Radiohead de "No Surprises" pour rivaliser) auraient parfaitement fait l'affaire. Il y a derrière ces choix une volonté de repartir sur de nouvelles bases : le chanteur s'est entouré d'un vrai groupe, et a travaillé de près la construction des morceaux. Ainsi, de l'instrumental éponyme (encore une manière de ne pas se faire remarquer) qui, parti sur des bases western-rock (avec guitare identifiable et batterie métronomique), tresse une guirlande de guitares barbelées pour la promener, lasso capricieux, dans un paysage changeant, entre americana ambient et léger psychédélisme. Ainsi, des grandes chansons folk, portées par cette voix à la grâce adolescente indélébile, qui, de ponctuations inattendues (programmations légères, textures bruitistes) en accompagnement délicat (orgue, violon), s'impriment durablement dans la mémoire ("Saints", "Song Among the Pine"). Bien que de facture sans doute plus classique que son prédécesseur, "The Western Lands" n'en continue pas moins de brouiller agréablement les frontières entre les genres, découvrant un paysage mental toujours aussi captivant et sombre. A n'en pas douter, le meilleur disque de son auteur, en attendant les beaux lendemains qu'il ne peut manquer d'engendrer.(Popnews)
Etrange parcours que celui de Nick Talbot, tête pensante de Gravenhurst : après avoir démarré par un album de folk qui trouvait une part de son inspiration dans les compositions introspectives de Nick Drake ("Flashlight Seasons"), il prenait une direction plus électrique mais tout aussi torturée ("Fire In Distant Buildings"). En tous les cas Gravenhurst avait réussi à nous embarquer dans ses ambiances amères, et on ne pouvait qu’être impatient à l'idée de tendre une oreille attentive sur le dernier album du groupe, "The Western Lands". Ceux qui ont eu la chance de voir Gravenhurst en concert ont pu constater que le groupe manie à merveille le principe de la douche écossaise, en alternant des compositions assez calmes et posées, tout en arpèges cristallins, avec des déflagrations sonores dignes des plus grands représentants du shoegazing. Ce principe est ici décliné sur "The Western Lands", notamment avec le superbe She Dances, qui réussit à concilier écriture folk, électricité retenue, distorsion explosive et rythmiques minimalistes (dont la conclusion rappelle celle de Seventeen Seconds de The Cure).Pour autant, il ne faudrait pas passer à côté de la perle de noisy pop qu’est Hollow Men, avec ses nappes de guitares saturés jusqu’à en devenir cotonneuse (rappelant ainsi My Bloody Valentine) et sa rupture bruitiste en milieux de morceau. Et avec Trust et Hourglass, Gravenhurst se rapproche même de l’écriture pleine de noirceur du Velvet Underground. Mais si ces compositions angoissées confirment que Gravenhurst est un des groupes les plus fascinants du moment, il serait dommage de ne pas tenir compte des morceaux plus mélancoliques comme le superbe Saints placé en ouverture, Song Among The Pine, ou encore le magnifique The Collector dont les quelques notes de guitare acoustique et de clavier seront prompts à tirer des larmes à n’importe quel indie-kid.Tour à tour envoûtant, noisy, fulgurant, triste, "The Western Lands" s’affirme comme un des chefs-d’œuvre de cette fin d’année. Et en mélangeant une écriture folk avec la noirceur des guitares distordues, Gravenhurst affirme un peu plus le retour du shoegazing. (indiepoprock)
bisca
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le 27 mars 2022

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