De l'empreinte non relâchée du Thin White Duke : après le dernier Gorillaz, "Plastic Beach", chef-d'oeuvre déguisé en pensum, voici le nouveau (?) LCD Soundsystem, gros disque se faisant passer pour un grand. "This Is Happening" ou c'est arrivé près de chez vous ou c'est en train, du présent perpétuel quoi, car, of course, LCD est un groupe de maintenant, mais beaucoup aussi d'hier. Bowie donc, dès la pochette par le biais des traders en chute libre de Robert Longo, artiste contemporain dont Bowie lui-même s'était violemment inspiré pour la vidéo de "Jump They Say". Tombera ?, tombera pas ? Hélas, sûrement car "This Is Happening" est un peu, trop, plein de soupe punk-funk en pilotage automatique : 9 morceaux pour plus de soixante minutes et quasiment 180 secondes de surcharge par titre, à l'exception de "Drunk Girls" inoffensif mais plaisant quelque part entre "White Light/White Heat" et "Boys Keep Swinging". Avec James Murphy, on en revient toujours à Bowie, ainsi sur "All I Want" auto-citant "All Your Friends", le faux "must" du par ailleurs excellent "Sound of Silver", qui pillait déjà sans vergogne 'Heroes' et transmuait l'épique en plat. Reconnaissons que le nouveau modèle LCD 2010 du standard berlinois de David B. a retrouvé un sens léger du dénivelé haut puis bas cette fois-ci au détriment de toute émotion. Je défie quiconque de ressentir le commencement d'un début de quelque chose à son écoute, comme d'ailleurs à l'immense majorité de "This Is Happening". Ce qui se passe ? Fermeture sur soi, redite, rembourrage, absence d'inspiration, influences brandies comme la tête de Méduse ("Home" qui crie "Remain in Light" à chaque mesure). Selon le mode éprouvé : "je n'ai rien à dire, aussi vais-je le dire très fort", James Murphy essaie de passer cette contrebande de néant en jouant la montre, à la façon de son "tube" inaugural, le pénible "Losing My Edge" rebaptisé ici "Pow Pow" ou "You Wanted a Hit". Comme pour "Sound Of Silver", l'entame est le meilleur morceau de l'album et, ici, quasiment le seul qui connaisse une progression, à la différence notable que "Get Innocuous" était fabuleusement troublant, nocturne, cinématographique, alors que "Dance Yrself Clean" se repose un peu trop sur une partie chant hurlée sans nécessité autre que de mimer l'urgence. Le reste, bon an, mal an, se retrouve en mieux, plus concis, plus frais sur les deux premiers albums. Dans un monde idéal, la côte de LCD Soundsystem chuterait après un disque aussi passable. Dans le nôtre, tous les arguments promotionnels ("cassseeer la voix" + Murphy à la tête d'un vrai groupe enfin + présentation au monde internaute du bébé joufflu) abuseront, on ne l'espère qu'un temps les amateurs à l'affût de nouveautés. Pour nous, plus simplement, "This is Happening", c'est du passé. (popnews)


Le premier album de LCD Soundsystem avait beau être inégal, on chante encore très régulièrement ses tubes. En 2007, “Sound Of Silver” rétablissait parfaitement la balance sans manquer lui aussi de planter quelques banderilles. Trois ans plus tard, alors que la bande de James Murphy s’est faite sa place bien méritée au panthéon des groupes les plus influents de ce siècle, on est passé tout prêt de ne jamais entendre une suite. C’est en tous les cas ce que clamait Al Doyle en novembre 2008, avant que son maitre le remette dans le droit chemin en annonçant un nouvel album. Le Hot Chip ne s’était pourtant pas beaucoup trompé: “This Is Happening” sera apparemment le dernier volet de la seule trilogie LCD Soundsystem. Un dernier testament qui n’a pas fini de nourrir des regrets. Car il a beau reprendre les bonnes habitudes, faire évoluer les titres sur la longueur, user à foison de l’effet de répétition, et constamment souligner le caractère minimaliste de l’orchestration, ce nouvel album affiche de nouvelles intentions qui s’intègrent parfaitement à l’approche historique de LCD Soundsystem. En 2010, à l’image d’un premier single qui n’a pourtant pas fait l’unanimité (”Drunk Girls”), le combo privilégie l’immédiateté et continue d’exceller dans une simplicité redoutable d’efficacité. Partir d’une idée simple, broder lentement autour, laisser le titre évoluer et embarquer l’auditoire en prenant bien soit de ne jamais abandonner quiconque en cours de route: c’est ce que s’applique à faire ici LCD Soundsystem, qu’il se réapproprie une nouvelle fois le dancefloor (l’entame “Dance Yrself Clean” se révélant soudainement au bout de trois minutes, “One Touch” aux accents electro indus, “Pow Wow” comme une suite de “Yeah”), ou qu’il opte plus ouvertement pour l’accessibilité et les mélodies de la pop. C’est d’ailleurs là le changement le plus marquant affiché par ce disque. Pour preuves “All I Want” et “You Wanted a Hit”, deux titres construits sur des boucles basse-guitare-batterie totalement addictives, sur lesquels on revient infatigablement du fait de mélodies réduites à leur plus simple appareil, sur lesquelles Murphy - définitivement bon chanteur - s’autorise à pousser jusqu’à la croonerie. Ce n’est donc pas “Somebody’s Calling Me”, seul titre décevant ici, qui empêchera quiconque de considérer “This Is Happening” comme une énième pièce maitresse de la discographie LCD Soundsystem, parfaitement résumée sur “Home” clôturant en bonne et due forme un des plus passionnants et respectables chapitres de l’indie des années 2000. Incontestablement, Murphy & Co pourront être fiers du chemin parcouru: entre prestations live de haute volée, tubes fédérateurs hors format, et cette furieuse efficacité en guise de fil rouge incassable, les new yorkais se sont toujours appliqués à tordre le coup aux idées reçues. Il faudra donc finalement l’accepter: même les meilleures choses ont une fin, y compris quand elles atteignent leur apogée. (mowno)
Se renouveler dans la répétition, voici un challenge sur lequel plus d'un groupe s'est cassé les dents, sombrant dans la triste redite et enchaînant des albums indifférenciables. Du coup c'est un véritable exploit qu'accomplit LCD Soundsystem tout au long de ce "This Is Happening": réussir à faire du neuf en sans changer de recette. Sur le fond, les terrains explorés par le groupe sur cet album l'ont déjà été auparavant : on retrouve ici ainsi un brûlot post-punk (Drunk Girls), une ballade hypnotique (Somebody's Calling Me) ou un crescendo intense (All I Want) ; tout pourtant, de la mélodie aux émotions, sonne frais et inédit. Ni meilleur, ni moins bon, juste différent. On pourra chercher la clé de ce paradoxe dans la sincérité de James Murphy, le cerveau du groupe, ou dans son infinie culture musicale, voire dans sa façon de mélanger les opposés : rock et disco, punk et funk, sarcasme et auto-dérision, passé et futur. Le talent de James Murphy pour transformer progressivement de simples, et parfois assez peu attirantes, boucles en d'épiques constructions hypnotiques reste un atout majeur, tout comme sa production millimétrée et sa plume alternant entre sensibilité touchante et humour narquois mais il faut aussi noter les subtiles évolutions du groupe qui a su progresser, en particulier au niveau des mélodies et du chant, démontrant aujourd'hui une véritable maîtrise vocale là où les premiers singles du groupe étaient essentiellement scandés. Mais cette fois encore, plutôt que de se questionner bien longtemps, on finira juste par céder à l'imparable pour danser sur le frénétique Pow Pow, chanter le passionné I Can Change à sa belle ou partir planer dans la stratosphère sur l'épique chanson de clôture Home ; bref profiter à fond de ce troisième chef-d’œuvre en autant d'albums de cette bande de quadras new-yorkais jubilatoires. Pour la première fois LCD Soundsystem ne révolutionne rien, mais avec des chansons de cet acabit, on serait tordus de se plaindre. "Vous vouliez un hit, mais ce n'est pas ce que nous faisons" clame Murphy sur le génial You Wanted a Hit, manifeste à destination de ses fans ; on se demande du coup pourquoi il n'y a que ça du début à la fin de ce troisième album. (indiepoprock)
Tu parles d’un visionnaire ! Là où on a souvent tenté de déceler des parcelles de génie musical ou de machiavélisme affairé derrière sa bonhomie ironique, l’Américain a surtout affermi au fil des années ses rondeurs de simple entertainer. Passionné pépère et opportuniste comme tout un chacun, James Murphy a surfé sur la décennie de l’ondoyance avec un grand sens de l’équilibre, accrochant souvent le bon vent tout en s’autorisant quelques figures d’exception. Royal au bar pour sa supposée dernière tournée, le Brian Flanagan meets Winnie L’Ourson de l’electro moderne a combiné ses meilleurs tricks avec un zèle d’escort boy pour nous verser son cocktail le plus euphorisant. Si This Is Happening est le meilleur album de LCD Soundsystem à ce jour, c’est parce qu’il est veuf de la frime du premier épisode, et orphelin des ambitions disparates du deuxième. Diablement concentré sur son chant – bêta mais attachant – pour la chair, et maître de la science du boogie woogie technologique pour les nerfs, James Murphy magnétise les corps baveux et lustre la bouboule à facettes dans une traversée de l’oasis discoïde qui vire rarement à l’errance. Oh, il y a bien la charge rockeuse et bas de plafond Drunk Girls, ou la tentative de weird cabaret chiantissime Somebody’s Calling Me. Eh, on chope partout des gimmicks datant de Mathusalem, comme la tirade Pow Pow qui recycle la marque de fabrique logorrhéique du tribun Murphy, ou One Touch qui agit tel un antidote synthpop aux imparfaits Get Innocuous et Sound Of Silver. Mais parce qu’il s’est fait botter le cul par les œuvres au cordeau de ses collègues de label (See Mystery Lights pour Yacht, The Future Will Come pour The Juan MacLean), James Murphy s’applique singulièrement et frôle l’excellence à force de dézinguer la fioriture. L’homme n’a jamais aussi bien allié son background indie rock et sa fréquentation des night-clubs que durant les sept minutes étourdissantes et belles à pleurer de All I Want, petites sœurs électrisées des autres sept minutes d’émotion circulaire qui font chialer All My Friends. De la même façon, le New-Yorkais n’a jamais autant tenu la distance depuis Losing My Edge que pendant les deux fois neuf minutes aérodynamiques de Dance Yrself Clean et You Wanted A Hit. La première parade fleuve surenchérit dans l’hypnose de la guibole à chaque haussement millimétré de ton, d’infrabasse synthétique et de cliquetis rythmiques. La seconde expose une mise en abyme textuelle a priori foireuse que des riffs de dur à cuire, un phrasé de vaurien et un refrain à la sensualité groovy désamorcent avec classe. Plus que la pièce maîtresse qui aurait mis tout le monde d’accord (c’est trop tard, vous êtes bornés maintenant), This Is Happening est une invitation adressée à tous les contempteurs et autres zélateurs. Ni génie total, ni fumiste intégral, le bateleur de LCD Soundsystem vous convie à réviser vos jugements, à tester leur validité, à mesurer leur poids, à relativiser leur sérieux, à diluer leur essence dans une liqueur d’ivresse, et à vous bourrer la gueule à sa santé. Parce que, faut dire, quand il s’agit de faire danser en italique, James Murphy est un sacré king. (magic)
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le 4 avr. 2022

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