Two Suns
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Two Suns

Album de Bat for Lashes (2009)

À l’époque du premier album, Fur And Gold (2007), de Natasha Khan, alias Bat For Lashes, on avait évoqué une Kate Bush égarée chez Piano Magic et souligné l’influence majeure de Siouxsie And The Banshees, toujours plus intéressante qu’une énième dauphine de Björk. Indulgent pour ces premiers pas, on l’attendait au tournant, fourbissant nos armes sans bienveillance particulière. Pourtant, dès que la ligne de basse de Glass se met en place comme un vieux souvenir de cold-wave sous paravent, notre garde est baissée, notre appréhension, envolée.
Et lorsque la petite boucle acoustique entêtante qui ouvre Sleep Alone convoque le souvenir de Pentangle, avant de s’évanouir dans les tréfonds des années 80, cet hybride folk/new-wave convainc largement. Certes, Natasha Khan sait encore agacer, notamment quand la demoiselle peinturlurée tente de chausser des bottes gospel aux talons encore trop grands pour elle (Peace Of Mind, n’est pas Jason Pierce qui veut). Puis lorsqu’elle commet, tout bonnement, de mauvais morceaux (Pearl’s Dream), où l’alchimie ancien/moderne ne fonctionne pas.
Mais lorsque Bat For Lashes conjugue la profondeur de ses influences (de Nico aux Banshees en passant par Portishead) avec ses propres aspirations (Travelling Woman et, dans une moindre mesure, Good Love), elle apparaît définitivement comme un pendant très britannique et souvent attachant à Cat Power, plus portée sur les antiques broderies et les fantômes que sur la soul de Memphis. L’apparition soudaine d’un Scott Walker revenu d’entre les morts sur The Big Sleep finit de valider les pistes de ce second Lp, pas toujours probantes mais souvent fascinantes.(Magic)


Comme il est parfois doux d'être détrompé. On imaginait aisément que le charme de Natasha Khan, alias Bat for Lashes, ne dépasserait pas le cadre de son premier album envoûtant publié il y a trois ans. Et voilà que Two Suns, son successeur, n'en fait que perpétuer la magie. Mieux, il affine plus encore un style propre en se débarrassant de ses plus pesantes références (Kate Bush et Björk) pour tisser un ensemble qui brille par la cohérence de son atmosphère, de son ambiance.

Contrairement aux soeurs CocoRosie, qui exaspèrent autant qu'elles fascinent à vouloir étaler leur éclectisme à tout bout de champ, Bat for Lashes s'interdit intelligemment l'éparpillement. L'Anglo-Pakistaine au savant look hippie chic habille toujours ses captivantes mélopées planantes - mais jamais inconséquentes - de nappes sonores rythmées, quasi tribales et synthétiques, qui évitent subtilement l'écueil de la redite. Et si, par une fois, sa vigilance se relâche le temps d'un Peace of mind aux allures de pastiche d'incantation à la Patti Smith, elle se fait pardonner en achevant en beauté l'album sur un somptueux duo avec l'immense et rare Scott Walker (The Big Sleep), qui vient rappeler qu'il y avait une vie dans la pop céleste avant Antony.HC


Avec "Fur & Gold", Natasha Khan et son groupe Bat For Lashes avaient fait une entrée fracassante dans le paysage musical. Le mélange malin et racé des influences de la jeune Anglaise avait donné un sacré bon disque, qui ne tenait certes pas toutes ses promesses, mais justement laissait à penser que l'avenir s'annonçait radieux pour la déguisée chanteuse. Alors, c'est dans un mélange d'appréhension et d'espoir que sort "Two Suns" : confirmation brillante ou violente chute ? 

Je serais tenté de faire une réponse de Normand, à base de ni oui ni non. L'excellente nouvelle, c'est que la chrysalide Natasha Khan continue sa mue, sans suivre fidèlement la route qu'elle avait elle-même tracée. L'inaugural "Glass" pose pourtant quelques pierres déjà présentes sur le premier disque de Bat For Lashes : nappes synthétiques, percussions tribales et chant qui oscille entre lyrisme grandiloquent et quasi-murmure. Mais on sent la jeune Anglaise plus sûre d'elle, plus aventureuse : tout y est plus appuyé, plus revendiqué, et l'univers mieux défni. Si la forêt était le lieu que pouvait illustrer "Fur & Gold", il est plus question ici d'un désert aride, que les enluminures synthétiques ne tirent pas de l'obscurité. Si "Sleep Alone" revendique sa filiation avec "Trophy" (issu du premier disque), c'est pour mieux s'en écarter au profit d'un numéro d'équilibriste entre ce rythme dansant et toujours ces rythmes qui semblent écrits pour partir à la guerre.
Justement, il faut avoir un certain sens de l'équilibre pour dresser un pont entre la ballade vespérale au piano "Moon and Moon" et la pop synthétique de "Daniel". Ce lien se trouve dans cette ambiance un brin indéfinissable dans laquelle aime à se lover Natasha Khan : quand le calme est là, il y a toujours à l'horizon un nuage menaçant, et inversement, l'agressivité de certains rythmes est souvent désamorcée par les claviers ou par la voix. Ce cadre défini, l'Anglaise ne s'interdit pas de tenter de visiter diverses terres musicales : gospel lunaire ("Peace of Mind"), électro pop foisonnante et sombre à la fois ("Two Planets") ou ballade au piano à souffle épique ("Travelling Woman"). Bref, il est clair que Bat For Lashes a un univers trop riche pour être réduit à une simple dimension, et à varier ainsi, il y a forcément quelques titres maladroits ("Two Planets") ou même mauvais ("Pearl's Dream" est assez pénible). Il serait donc facile de lui tomber sur le râble pour ces titres, mais si l'on regarde le verre, comment le voit-on ? A moitié plein ou à moitié vide ? J'opte pour la première vision, car "Two Suns" est de ces disques qui cachent en eux autant de charmes que d'ingrédients répulsifs. Oui, Natasha Khan en fait trop, dans certains gimmicks vocaux repris à Björk. Oui, la production du disque n'est pas de celle qui se fait oublier, jouant plutôt la carte de la grandiloquence. Et pourtant, il y a des trésors dans ce disque, dans les arrangements de "Big Sleep", la montée en puissance de "Siren Song" ou les premiers titres (la première partie du disque est d'ailleurs bien meilleure). C'est un disque courageux, que l'on peut aimer ou détester, et rien que pour cela, "Two Suns" mérite d'être écouté. Cela n'arrangera pas la côte de popularité de l'artiste et divisera sans doute la critique : pas sûr que Natasha Khan s'en soucie réellement. Je ne lui donnerais pas tort en tout cas. (Popnews)


Si "Fur and gold", le premier album de Bat for lashes, nous avait séduit par ses mélodies en état de grâce portées par la voix de Natasha Khan, on attendait pas forcément fièvreusement son successeur. Car il y a des disques qu'on prend comme ça, sans trop se soucier du reste. D'ailleurs, voir Natasha Khan devenir une sorte d'icône new age n'était pas pour nous rassurer sur la suite de la carrière de Bat for lashes et ce que nous offrirait "Two suns" seond album forcément comptable du succès de son prédécesseur. 

Afin d'éviter d'en rajouer dans les préventions négatives, on ne s'attarde pas trop sur le concept fumeux qui sous-tend cet album ni sur sa pochette au symbolisme un peu lourd. C'est donc la voix de Natasha Khan, toujours impeccable, qui nous accueille sur Glass et nous met dans de meilleures dispositions, d'autant plus que le morceau imprime une véritable patte : arrangements sophistiqués, rythmes quasi-tribaux, progression dramatique, mélodie céleste ; on aime ou pas, mais Bat for lashes affirme son style et c'est déjà une victoire. 


La suite de l'album démontre que, contrairement à ce que l'on pouvait craindre, "Two suns " n'a pas été conçu pour récolter les fruits d'un large succès commercial entrevu avec "Fur and gold" mais est plutôt une quête vers plus de profondeur, une recherche entre une épure mélodique sur le fond et une luxuriance sur la forme. Ainsi, au lieu d'écouter un album qui aurait pu aligner les pop songs accrocheuses, on assiste à un glissement vers des ballades, certes parfois évidentes (Daniel), mais plus souvent graves et exigeantes. Si on ne validera pas forcément tous les choix de production, comme les lignes de synthé de Sleep alone, les arrangements savent quasiment s'effacer par moments pour ne laisser place qu'à la voix et entraîner les morcaux vers le gospel (Peace of mind) avant de revenir en force pour donner une dimension dansante à la musique de Bat for lashes (Siren song). Les plus sceptiques diront peut-être que le clinquant, ou le "trop propre" n'est jamais loin, et ce n'est pas entièrement faux. Mais on peut également être admiratif devant la capacité de Natasha Khan à trouver le bon équilibre entre une forme séduisante et une volonté d'offrir un contenu abouti et avec une véritable personnalité. C'est déjà pas mal. (indiepoprock)

bisca
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le 13 mars 2022

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