Sous ce nom trompeur se cachent les vingt-neuf membres d’une chorale pop basée à Jönköping, Suède. Après un premier album de mélodies lumineuses à siffloter avec ferveur jusqu’à frôler l’asphyxie, ces Suédois exaltés reviennent avec une surprenante question sur le meurtre du célèbre magicien Houdini, qui pourrait être l’objet d’une nouvelle enquête d’Hercule Poirot. Emanuel Lundgren, songwriter et tête pensante de la troupe, semble avoir arrêté de courir à travers champs pour composer ses pop-songs bucoliques. On le retrouve en méticuleux orfèvre d’orchestrations plus intimistes, un peu plus en retenue, comme si ces choristes s’étaient enfermés à double tour dans un grenier hanté, éclairé à la bougie (Little Ghost). Seulement deux voix murmurent le délicat Headphones, ode au repli sur soi en écoutant de la musique au casque, qui justement ne se prête pas aux chœurs outranciers : "Avec ma tête dans les nuages et les chansons qui dansent tout autour." En attendant patiemment leur tour, les vingt-sept autres musiciens, vite rejoints par les deux échappés, rêvent de grands espaces en format panoramique et, pour passer le temps, construisent des morceaux aussi légers qu’une feuille de papier à cigarette. L’aérien Paper Planes illustre d’ailleurs à merveille l’envolée gracieuse de leur musique : leurs avions en papier, lancés depuis une lucarne ouverte sur un ciel étoilé, vont chatouiller les nuages sans jamais retomber au sol. A pas de velours, la Française Soko, passionnante nouvelle tête du folk décomplexé, se joint à eux pour gazouiller sur l’étincelant Gunhild, avant de repartir sur la pointe des pieds. Quand elle veut bien sortir du grenier, leur sunshine-pop perpétue la grande tradition de la pop enjouée made in California, loin des contrées suédoises – ou catalanes. (Inrocks)


Confronté au succès international et inattendu d’un projet initialement marqué au sceau de l’amateurisme et de la démesure rigolote, Emanuel Lundgren a bien dû s’interroger sur les suites à donner à Let Me Introduce My Friends (2006) : enregistrer un premier album à la campagne avec une trentaine de copains pendant les congés payés est une chose ; transformer cette troupe de joyeux lurons en une formation professionnelle et capable d’évoluer dans la durée en est une autre. Et pourtant, Lundgren est parvenu à relever ce challenge a priori impossible et à transformer, en un laps de temps somme toute fort réduit, sa chorale de hippies scandinaves en un véritable groupe à la fois cohérent et efficace. Dès les premières mesures de Andy, portées par une ligne de basse sépulcrale, le ton est donné : Who Killed Harry Houdini? recèle une gamme variée de nuances et de subtilités dont son prédécesseur restait largement dépourvu. I’m From Barcelona est désormais capable d’évoquer d’autres sentiments que la plénitude béate et solaire qui se dégageait presque uniformément de ses premières vocalises collectives. Certes, on retrouve encore, çà et là, quelques traces des plaisirs simples et enjoués qui constituaient la trame du disque inaugural (le refrain du single Paper Planes, par exemple). Cependant, au fil de compositions bien mieux structurées et maîtrisées qu’en 2006, le climat s’assombrit peu à peu, et les célébrations en fanfare cèdent la place à l’expression plus intime de l’isolement et de l’incommunicabilité entre les êtres ainsi que d’un rapport plus ambivalent à la musique elle-même (Headphones, Music Killed Me). Le traitement réservé aux voix témoigne aussi de cette métamorphose remarquable. Sacrifiant à bon escient la quantité au bénéfice de la qualité, I’m From Barcelona ose désormais le chant en solitaire ou en duo (le remarquable Gunhild), pour mieux utiliser la puissance du collectif dans les moments ou son intensité est nécessaire. En bons disciples d’Houdini, ces parfaits illusionnistes que sont Lundgren et ses camarades sont donc parvenus à métamorphoser sous nos yeux leur Big Bazar pop anecdotique en groupe essentiel.(Magic)
Ils ont débarqué de leur Suède natale un beau jour de 2006 en voulant nous faire croire qu’ils étaient de « Barcelona ». Avec leurs tignasses blondes et leurs hymnes pop à la Wannadies, la supercherie fut de courte durée. La joyeuse troupe d’Im From Barcelona (29 membres) a alors écumé salles et festivals pendant près de 2 années, dispersant aux 4 coins de l’Europe cette fraîcheur et cette joie de vivre contagieuse qui transpirait par tous les pores de leur premier album. Pour tout dire, on la redoutait quelque peu cette suite du rafraîchissant "Let Me Introduce My Friends". Le groupe d’Emmanuel Lundgren semblait la proie idéale du fameux syndrome du second album qui en a laissé plus d’un en rade sur l’autoroute des désillusions.

A l’image d’une pochette très sombre, la nouvelle production de la colonie suédoise se veut moins joyeuse et hédoniste, recentrée autour d’Emmanuel Lundgren, reléguant par la même occasion les chœurs au fond du chapeau pour mieux les faire apparaître le moment venu. C’est notamment le cas sur Paper Planes ou Mingus, les deux titres se rapprochant le plus des premiers morceaux du collectif suédois. Mélodies entraînantes, chœurs enjoués, percussions mutines, on retombe une fois de plus en enfance et la magie n’a rien à voir là dedans.C’est pourtant le côté sombre de la bande de Jonkoping qui est ici mis en lumière, à l’image de l’introductif Andy sur lequel les chœurs apparaissent comme muselés derrière le chant de Lundgren. Ophelia et Headphones sont de parfaits exemples de la mutation d’Im From Barcelona, petites ballades pop ne décollant jamais vraiment, sur lesquelles il faut même tendre l’oreille pour distinguer les chœurs des 28 compères de Lundgren. Celui-ci se permet même de faire disparaître ses amis pour de bon sur son joli duo avec la chanteuse française Soko ( Gunhild).Un comble pour un groupe ayant bâti sa réputation sur la force de son collectif me direz vous ? Un mal pour un bien vous rétorquerais-je tant la formule magique qui avait fonctionnée sur "Let Me Introduce My Friends" avait cette fois-ci toutes les chances de finir en tour de magie à la Garcimore. Au lieu de ça, "Who Killed Harry Houdini" nous laisse admiratif devant la transformation imposée par Lundgren à son groupe, à l’image d’un Rufus long de 7 minutes et de 2 changements de rythme et reprenant des éléments des titres précédents.(indiepoprock)

bisca
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le 1 avr. 2022

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