Les trois premières pistes nous invitent à profiter d’une mélancolie automnale, légèrement venteuse, déprimante comme une veille de Toussaint, le tout soutenu par des cordes qu’on imaginerait jouées par des nymphes au regard évaporé autour d’un lac arboré dont un flot ininterrompu de feuilles vermillon s’étale sur l’eau bleutée. Et puis, l’hiver arrive au quatrième morceau qui paradoxalement s’intitule Leaves of Summer. Le lac gèle et on entre dans une cathédrale constellée de gargouilles avec une abside au plafond gigantesque. Une voix résonne au loin, une oreille peu attentive pourrait penser qu’il s’agit de celle de la chanteuse Vanessa Paradis à qui on ferait réciter des psaumes en latin après l’avoir drogué au LSD et à la Kétamine. Mais elle ne susurre plus comme au début, désormais elle pousse des scansions, psalmodie en harmonie avec ce qui arrive doucement mais sûrement comme un grand renfort de guitare amplifiée et distordue. Cela dure cinq morceaux comme ça.
Puis la tension s’estompe, des notes graves jouées au piano reprennent le dessus. La dissonance cède la place à des ensembles plus harmonieux qu’on apprécie comme on revient d’une balade éprouvante (avec audioguide) à travers les sept cercles de l’enfer. Lorsqu’elle émet ses refrains, c’est presque comme apaisée désormais. On croirait entendre Catherine subissant le supplice de la roue cependant que la jeune sainte est certaine que le Seigneur va lui venir en aide – et c’est ici que surgit un ange du transept pour foudroyer quatre mille païens. L’air est de moins en moins toxique, néanmoins ces trois dernières pistes ne nous empêchent pas d’imaginer que depuis le début, la jeune musicienne que l’on écoute ici (elle s’appelle Alison Shaw) ne répète que ces deux mêmes vers empruntés à Antigone dans l’œuvre de Sophocle :
« Comment ne gagne-t-on pas à mourir,
Si l’on vit, comme je le fais, accablée de misères ? »