Les Flaming Lips ont deux décennies dans les artères, onze albums sur la lunette arrière, et pourtant leur petit dernier sonne encore comme s'il était le premier. Il suffit d'une seule écoute du réjouissant Yoshimi Battles the Pink Robots pour en obtenir une preuve éclatante. Le successeur très attendu de The Soft Bulletin, l'un des disques les plus marquants de 99 et de la fin du XXe siècle en général, évite justement les pièges de la succession : ici, c'est bien une nouveau chapitre qui débute en même temps qu'un résumé au pas de charge et en diagonale des épopées précédentes. Le chapitre en question, centré autour d'une histoire de robots prétexte à l'étalage d'un attirail de joujoux électroniques du plus bel effet (spécial), n'aura peut-être pas aussi bonne presse que The Soft Bulletin. Sans appartenir à un rang secondaire dans la discographie du groupe, Yoshimi affiche pas mal des vertus de ces disques récréatifs qui ponctuent les carrières majeures. Contrairement à Mercury Rev, qui a tendance à trop sacraliser sa musique au point de flirter par moment avec une fâcheuse grandiloquence, les Flaming Lips ont conservé l'esprit joueur, une âme d'enfant particulièrement prospère et imaginative sur le nouvel album. Ici, Yoshimi livre donc bataille contre des robots roses qui produisent des bruits venus de l'espace et rendent particulièrement ludique et effervescente la pop des Flaming Lips. Mais l'album produit également une source généreuse de sonorités psychédéliques turbulentes, ajourées par endroits de clairières spacieuses où cordes et guitares jouent à saute-mouton et où les mélodies explosent comme des ballons d'hélium après avoir glissé sur un toboggan d'étoiles filantes. (Inrocks)
Comme souvent avec The Flaming Lips, les choses sont un peu compliquées. Alors qu'ils enregistraient cet album, essentiellement dans le studio de Dave Fridmann, Wayne Coyne et ses hommes travaillaient en parallèle sur deux BO : l'une pour un documentaire sur des pêcheurs de l'Oklahoma (ambiance country et western acoustique), l'autre pour un film intitulé Christmas On Mars (atmosphères spatio-temporelles et métaphysiques). Wayne admet que ce disque a été partiellement contaminé par ces deux projets antinomiques. Yoshimi Battles The Pink Robots (qui tire son nom d'un délire en trois morceaux qui mettrait aux prises, dans une arène, la Yoshimi des Boredoms avec des robots dont l'un tombe finalement amoureux...) est le Lp le plus "produit" des Flaming Lips et porte de façon remarquable la griffe de Fridmann : textures à la fois chaudes et inquiètes, travail sur la fragilité de la voix et sur les marges sonores de la santé mentale. Toutes choses qu'on retrouve à la fois chez Mercury Rev et, de façon un rien moins affirmée, dans le précédent et remarquable The Soft Bulletin. Cependant, les Américains, marqués par le rock psychédélique, ont tiré cette fois la carte d'une plus grande fantaisie, jouant de l'équilibre ultra délicat entre humour et émotion profonde. Rien de "naturel" dans les sonorités, et c'est bien là qu'était le défi : créer un univers sonore parallèle qui conserve une partie des codes du rock classique (on trouve notamment des ballades à pleurer), mais les transpose dans un ailleurs aux couleurs plus tranchées que la normale. Le space rock du nouveau millénaire a trouvé son album de référence.(Magic)