Il y a trois ans, on découvrait Faultline avec l'ambitieux Closer Colder, dédale d'électronique contrariée, de hip-hop embouti, de rock extrême et de musiques contemporaines violentées. Un péplum dans lequel on entrait en hésitant et dont on ne ressortait pas indemne. Ce fracas n'accueillait des voix qu'en bribes, en lambeaux, samplées dans des films (Dennis Hopper dans Blue Velvet) ou sur un angoissant répondeur téléphonique. Mais depuis, David Kosten a entendu des voix : elles lui ont imposé d'éclaircir sa musique. C'est en produisant le groupe américain Birthday qu'il a eu la révélation : sa science diabolique et complexe des productions pouvait s'accomoder des mélodies les plus primaires et des voix les plus pures. C'est donc leur chanteur Jacob Golden qui inaugurera le chantier pharaonique de ce second album, avec un Bitter Kiss au lyrisme entortillé : une chanson à la profondeur de champs insondable, pièce manquante du OK Computer de Radiohead. Humble VRP de ses chansons en mille-feuilles, Kosten contactera ensuite les timbres qui ont accompagné ses émois : de Scott Walker à Cannibal Ox, de Robert Wyatt à Angie Stone. C'est Chris Martin, le chanteur de Coldplay, qui répond en premier : bouleversé par cette proposition de mettre enfin ses intonations trop raisonnables en danger, il s'abandonne, sur deux titres à la tension palpable, aux expérimentations luxueuses mais modestes de Kosten. L'Américain Wayne Coyne, des pourtants très libres Flaming Lips, y voit lui aussi une chance de sortir des ses gonds : ceux qui ne répondraient pas à Colossal Gray Sunshine par la chair de poule sont priés de consulter d'urgence un dermatologue. C'est au nom d'un amour commun pour les Brothers 4 (qui ont immortalisé ce Greenfields intouchable) que Michael Stipe est lui aussi venu rejoindre Kosten, qui a condamné la voix du leader de REM à des exploits physiques dans les basses. Directeur d'acteurs arrachés à leurs rôles étouffants, Kosten mérite une palme à Cannes. (Inrocks)


Il s'agit d'abord de faire des présentations en bonne et due forme. Ou de les refaire, plutôt. Car on avait presque complètement effacé de notre mémoire David Kosten, l'unique dans tous les sens du terme tête pensante du projet Faultline, qui s'était fait bien discret depuis 1999 et la sortie, sur l'excellent label electro-avant-gardiste Leaf, d'un premier album baptisé Closer Colder. Un titre qui, à lui seul, s'avérait être tout un programme. Et annonçait la couleur. Noire, bien évidemment. Ambiances claustrophobes, arrangements oppressants, contrastes aveuglants : ce "savant fou" des studios, ce moine rigoriste de l'électronique samplait la voix de Dennis Hopper dans Blue Velvet, enregistrait les menaces de mort qu'un chanteur laissait sur son répondeur téléphonique, triturait et déformait des sons familiers, mais laissait aussi la part belle à des invités organiques (trompette, harmonica...). Entre Talk Talk et Aphex Twin, la musique ambient originelle (Brian Eno) et le jazz, Kosten signait un petit chef-d'œuvre tourmenté. Le résultat avait provoqué autant de frissons d'horreur que de bonheur, s'était en même temps permis d'inquiéter et de subjuguer. Tous ceux qui, en tout cas, avaient eu la "chance" d'écouter ce disque, encensé à juste titre, bouée de sauvetage d'une scène électronique qui commençait sérieusement déjà à se mordre la queue. Alors, pour cet homme qui avait passé dix années à se familiariser patiemment avec les techniques de l'enregistrement avant de daigner se jeter à l'eau, et avait vu son disque refusé par One Little Indian (le label de Björk avait-il eu peur qu'il ne fasse de l'ombre à la soi-disant démarche jusqu'au boutiste de l'Islandaise ?), les portes se sont ouvertes comme par enchantement. Signé par Geoff Travis sur sa structure Blanco Y Negro, convoqué au chevet des chansons du premier Lp de son compatriote Ben Christophers, l'un des prétendants au trône laissé vacant par Jeff Buckley, impliqué dans quelque projet multimédia (Sensurround), David Kosten était passé en moins de temps qu'il ne faut pour le dire du statut de référant à celui de référence. Trois ans après, le musicien-producteur-compositeur a changé. Sa vie a changé. Par la force des choses. On le retrouve aujourd'hui apaisé. Inquiet, toujours, mais apaisé. Nul doute qu'il laisse désormais les volets ouverts dans son laboratoire sonore. Ouentrouverts... Suffisamment pour que quelques rayons d'un soleil printanier ne viennent réchauffer l'atmosphère, adoucir l'ambiance. Your Love Means Everything s'adresse-t-il à l'auditeur, évoque-t-il une relation est d'une beauté déchirante, d'une humanité renversante. La grande différence avec son incroyable prédécesseur réside bien sûr dans la présence de vraies voix. C'est pourtant sur un instrumental aquatique et relaxant que s'ouvre l'album, parfaite introduction au nouvel univers de Kosten, qu'on imagine si bien en perfectionniste acharné, tant, ici, chaque détail, chaque bruit n'a jamais sonné aussi juste, a rarement semblé aussi approprié. Avec l'aide de Chris Martin, d'ordinaire chanteur de Coldplay, il devient l'ambassadeur international, le temps d'un Where Is My Boy? angélique, de cette mélancolie bleutée dont beaucoup ont rêvé. Et rêvent encore. Une émotion que Faultline semble connaître sur le bout des doigts : Bitter Kiss, interprété cette fois par le jeune prodige Jacob Golden que Kosten a d'ailleurs récemment produit renvoie Radiohead à l'Université d'Oxford option "émotions" et donne une idée assez exacte de qu'aurait pu faire Tim Buckley si jamais il avait vécu l'aube de ce troisième millénaire. Faultline continue de triturer la matière sonore, de la pétrir, évoque des battements de cœur, convoque des rafales de vent, présente sur Clocks le Tommy des Who à Dj Shadow. Un Shadow qui doit se mordre les doigts de n'avoir su composer le percussif Missing, tout en non-dits et tensions sous jacentes un art musical auquel peu ont su rendre justice. Hautbois, guitare acoustique, violons ou violoncelles, nappes de claviers et boucles de batterie, samples non identifiés, Kosten joue avec tout. Se joue de tout. Lorsqu'il invite Wayne Coyne, le doux dingue leader des Flaming Lips, c'est pour donner naissance à The Colossal Gray Sunshine, une comptine pernicieuse et un rien malsaine, où la voix aiguë de l'Américain lutte contre un piano enfantin, alors que l'instrumental Theme For Half Speed aurait pu être imaginé par le très spécial John Barry. Inclassable et pourtant familier, intrigant et néanmoins accueillant, ce disque invente un nouveau langage, donne naissance à un electro folk forcément futuriste, ne serait-ce que pour la richesse d'un dépouillement en trompe-l'œil. Certes, la dénomination peut sembler bancale, mais elle se retrouve tout à coup justifiée par la splendide reprise tirée du tout premier album des Four Brothers, Greenfields, interprétée par un Michael Stipe d'une sobriété exemplaire. Your Love Means Everything ? Et bien plus encore. (Magic)
Quel point commun peut-il bien exister entre Wayne Coyne (Flaming Lips), Jacob Golden, Chris Martin (Coldplay), et Michael Stipe (REM), outre le fait qu’ils soient tous chanteurs ?

Réponse : ils sont tous présents sur le second album de Faultline, projet électronique du musicien londonien David Kosten. Après un premier disque uniquement instrumental, Kosten a en effet eu la bonne idée d’inviter sur son nouvel album quelques voix prestigieuses afin d’humaniser ses compositions. "Your love means everything" alterne ainsi de froids morceaux purement électroniques avec des plages enrichies de participations vocales de haut niveau. Les premiers sont loin de jouer le simple rôle de faire-valoir aux secondes. Ils aèrent l’album à l’image du mécanique 'Clocks' ou du menaçant 'Sweet iris' à l’atmosphère quasi-cinématographique. Mais les titres les plus convaincants sont incontestablement les morceaux chantés, moins cérébraux, moins méticuleusement contrôlés : portés par la présence vocale de leurs invités, ils dégagent bien plus de spontanéité. Jacob Golden illumine 'Bitter kiss' de son timbre pur. Chris Martin, sur 'Where is my boy', dépose avec sobriété une touche de lyrisme. Enfin Michael Stipe contribue au petit chef d’œuvre de ce disque qu’est 'Greenfields', une reprise d’un standard des années 50 chanté par les Four Brothers : sa voix, plus douce que jamais, hante cette petite berceuse lugubre à la mélodie limpide. Flanqué de ce casting de choc, "Your love means everything", coup d’essai risqué qui aurait pu aboutir à une réunion ennuyeuse de guest-stars, révèle en réalité chez David Kosten un talent de directeur artistique indéniable.(indiepoprock)


 Ne vous fiez surtout pas à la pochette pour vous faire une idée de ce qu’il y a sur ce nouvel album de David Kosten aka Faultline. Le caractère désordonné et un peu sale de celle-ci n’a pas grand chose à voir avec le contenu du disque. Bien au contraire, la musique de Faultline n’a jamais été aussi propre et bien ordonnée que sur cet opus. Il n’y a qu’à voir les différents intervenants pour comprendre que l’on ne s’aventurera pas dans des triturations électroniques complexes ou brouillonnes. Les Wayne Coyne, Michael Stipe, Chris Martin ou Joseph Arthur n’ont en effet pas l’habitude de rendre des copies males léchées. 

Je parle de nouvel album mais ce « Your Love Means Everything » ne sera jamais rien de moins que la réédition du disque du même nom parut il y a de ça deux ans. Cependant cette présente mouture a été retravaillée, remodelée au point de devoir ajouter une version de « Wild Horses » des Stones chantée par Joseph Arthur (ce qui, soit dit en passant, on s’en serait bien passé). Par contre exit les morceaux « Bitter Kiss » et « Missing » remplacés respectivement par « We Came From Lego Blocks » interprété par Vordul Megilah de Cannibal Ox et par « Biting Tongues » chanté par Ras B. La présente édition a t-elle un quelconque intérêt par rapport à l’original ? Sans doute D.Kosten estimait-il que la première version n’était pas suffisamment aboutie. Par contre côté public il y aura certainement ceux qui préfèreront la version de 2002 et, pour sans doute beaucoup d’autres, il y aura ceux qui découvriront Faultline par le biais de ce disque. Pour ce qui est du disque on sera sans doute plus partagé. Le côté aventureux que l’on avait connu sur « Closer Colder » semble un peu s’estomper même si D.Kosten explore encore quelques pistes intéressantes. On rentre dans quelque chose de plus conventionnel mais dont les qualités intrinsèques sont parfaitement présentes. Cependant il demeure qu’il y a encore quelques petites maladresses. Les reprises de « Wild Horses » et de « Greenfields » sont pour le moins anecdotiques quand elles ne se révèlent pas irritantes et la voix de Chris Martin de Coldplay est toujours aussi énervante. Si on arrive à faire abstraction de cela on arrive à reconnaître chez D.Kosten un réel talent d’écriture qui, on le sent, n’est pas encore arrivé à maturité et n’a pas atteint toutes ses possibilités. Le meilleur est sans doute à venir.(liability)

bisca
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le 27 mars 2022

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