On a beau fixer la photo, ça ne change pas grand-chose. Impossible d'associer l'un de ces quatre visages doux et juvéniles à la voix de Kings Of Leon. Trois frères et un cousin : ils s'appellent tous Followill. À quatre, ils peinent à atteindre l'âge de Johnny Cash, mais l'un d'entre eux, Caleb, a la voix d'un vieil homme fatigué par une vie d'errances sur les routes poussiéreuses du Tennessee. Ses hululements menaçants habitent un rock sudiste incantatoire, nerveux et épais. Sans trop vouloir taper dans les vieux mythes, personne ne serait étonné qu'il y ait là-dessous des histoires d'âme, de diable et de commerce trouble. Papa était prêcheur évangéliste. Enfin, c'est assez peu catholique pour être très impressionnant. Mais en balançant sauvagement la grenade Holly Roller Novocaine au printemps, les Kings Of Leon ont peut-être grillé un peu vite leurs munitions. Si California Waiting et Molly's Chambers provoquent toujours des dégâts considérables, plusieurs pétards mouillés viennent bêtement allonger la sauce : Genius, Spiral Staircase et leurs rythmes épileptiques sentent le vieux rhythm'n'blues creux joué par des Pretty Things rustres et bouseux. Sans compter une guitare qui s'épanche parfois un peu trop. Mais la fratrie a en réserve quelques bombes (Red Morning Light, Happy Alone) et deux ou trois douceurs : la très pop Joe's Head, la très country O Dusty. Surtout, en bout de course, après cinq minutes de silence, Talihina Sky laisse entrevoir un futur radieux pour les Kings Of Leon, qui s'accompagnent d'un vieux piano emprunté à Neil Young pour chanter doucement une chanson que Bob Dylan a peut-être un jour rêvée.(Magic)


Réminiscence des Lynyrd Skynyrd, les Kings of Leon apparaissent aussi bien anachroniques qu’ « OVNIesques » dans le paysage « revival rock » de ce millénaire. Les Daltons jouent un rock-country-psychédélique (qui transparaît jusqu’à leur nom de scène !) qui suinte Memphis et son lourd passé ou encore les sermons de leur pasteur de père. Loin d’adopter une attitude de poseurs (en poupe en ce moment…Hogg, si tu nous entends… !), ils affichent une décontraction et un naturel qui laisse pantois. Associés à Jet (sensation venue de la « nouvelle Albion », l’Australie), le groupe est sur le point de lancer un nouveau concept. Sa musique n’est pas « crade », bruyante ou pressée, et on a à faire a du cool, du fluide, du rond. On tape du pied machinalement . So sexy ! Ca roule des mécaniques et ça swingue dès les premières secondes avec le tubesque « Red morning light » : basse et batterie donnent le tempo, les guitares prennent le pas alors que Caleb Followill chante de sa voix de mâle, sensuelle et nonchalante (« Holy roller novocaine »). Tout s’enchaîne alors très vite « happy alone », « wasted time », « Joe’s head » : puissant stimulant que les changements de rythmes incessants renforcent. « California waiting », faiblesse de l’album ? On décèle aussi le blues qui colle à l’Amérique profonde nourrie de Neil Young (« Dusty » où le piano fait des merveilles). « Spiral staircase » et « Molly’s chambers » : au top. On pourrait refermer le « sésame » par une bien jolie ballade…qui ne figure pas sur leur LP « Wicker chair »...On partirait main dans la main , courir dans les grandes prairies du middle west. Pêché mortel en tête !Les KOL ont le pouvoir de nous rendre nostalgiques d’une époque que nous n’avons pas connu. Gageons que ce feux-follet se transformera rapidement en un incendie ravageur. Futur Pete Townshend & co… ? (liability)
bisca
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le 3 avr. 2022

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bisca

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