N'allez pas croire que les éditeurs français aient fait le tour de tout ce que Osamu Tezuka a à leur proposer ; ils sont même loin du compte, et c'est aujourd'hui l'éditeur indépendant FLBLB qui se lance dans l'aventure avec Debout l'Humanité. Et quitte à parler de l'éditeur, autant préciser d'entrée que le papier qu'il a choisi pour ce manga – apparemment son premier – accuse clairement un manque d'épaisseur, laissant apparaitre le revers de chaque page, ce qui gène un peu la lecture au début.
La première chose qui surprend avec ce manga, c'est le trait de Osamu Tezuka. Plus exactement, chaque case donne l'impression d'avoir été dessinée à la va-vite, avec un manque étonnant de détails, un peu comme si le mangaka avait travaillé seul sur ce titre sans recourir aux services du moindre assistant pour compléter les décors, ajouter des trames, etc... Cela parait assez minimaliste, alors que paradoxalement, certaines scènes s'avèrent extrêmement détaillées. Un style étrange, pour un manga qui ne l'est pas moins.
Debout l'Humanité – et cela se comprend dès la lecture du synopsis – appartient aux œuvres adultes de son auteur, et compte-tenu de l'année de publication, il s'agit peut-être d'une de ses premières dans cette veine. Un parti-pris qui l'autorise à parler plus ouvertement de thèmes parfois durs, et de dénoncer les absurdités dont se rend coupable l'être humain ; ici, fin des années 60 oblige, la Guerre du Vietnam se retrouve en première ligne. Mais pas que ! Dans un seul et même manga, Osamu Tezuka aborde aussi bien la guerre que l'eugénisme, le mercantilisme, le capitalisme galopant, et la liberté sexuelle, avec – pour ce dernier aspect – toute l'ambiguïté dont nous le savons capable. Il met en avant une nouvelle race d'êtres vivants, sorte de 3ème sexe ni mâle ni femelle, et non reconnus comme des humains par les autorités ; une situation qui laisse énormément d'options à l'auteur, lui permettant de jouer à la fois sur cette dualité et sur les traitements que leur feront subir les humains, avec des conséquences parfois horribles.
Si Osamu Tezuka est connu pour sa foi inébranlable en l'humanité, cela ne l'empêche jamais de se montrer pessimiste et extrêmement critique envers ses semblables ; une attitude qui atteindrait presque ici un sommet, où les personnages se montrent d'une cruauté sans pareil, pour un résultat perturbant mais forcément marquant vu les talents dont dispose l'auteur.
En terme de narration ou de contenu, Debout l'Humanité n'est peut-être pas aussi réussi, donc pas aussi mémorable, qu'un Demain les Oiseaux ou un Black Jack. Il ne s'agit donc pas d'un titre indispensable dans la carrière du mangaka, même s'il traite de thèmes forts et offre une lecture aussi passionnante que marquante. Le prix et une édition moyenne rebuteront probablement les lecteurs curieux mais pas suffisamment intéressés par Osamu Tezuka pour investir dans cette œuvre en particulier. Pour ceux qui apprécient l'auteur, par contre, il s'agit bel et bien d'un manga à découvrir.

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le 5 mars 2012

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Ninesisters

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