« C’est à Falaise, dans le duché de Normandie, que je suis né… » GUILLAUME

Lors d’une visite au château de Falaise, je tombe sur une bande dessinée qui attire mon attention, l’ouvrage en question est Guillaume : Bâtard et Conquérant.

Jean-François Miniac scénarise sa bande dessinée avec un objectif clair : proposer un récit de la vie de Guillaume le Conquérant tout en valorisant le patrimoine normand associé à sa mémoire, notamment les monuments liés à son histoire. L’idée est séduisante, mêler pédagogie et culture historique à travers le médium de la bande dessinée, accessible à un large public.

Cependant, la réalisation soulève plusieurs réserves. La narration adopte une approche globale de la vie de Guillaume, traversée par de nombreuses ellipses. On ne suit pas un épisode précis ou un moment fondateur, mais bien un panorama général de son existence, de sa jeunesse de bâtard à son rôle de conquérant. Cette ambition large aurait pu donner une fresque vivante, mais elle souffre de vouloir trop embrasser à la fois. Le récit devient moins une histoire à part entière qu’une sorte de survol biographique, presque encyclopédique.

La construction de la bande dessinée renforce cette impression. Entre deux séquences illustrées, des pages de narration à la première personne, censées incarner la voix de Guillaume, viennent combler les ellipses. Si l’intention est louable, le résultat est maladroit. Ces longs pavés de texte cassent brutalement le rythme visuel propre à la BD et imposent au lecteur une masse d’informations difficile à digérer. On passe alors de l’expérience dynamique du dessin narratif à une lecture laborieuse proche du manuel scolaire.

Le problème majeur vient justement de ce trop-plein d’informations. Noms, dates, batailles, alliances, intrigues politiques : les auteurs semblent avoir voulu condenser toute la biographie de Guillaume dans un seul volume, sans rien omettre. Mais à trop vouloir être exhaustif, l’œuvre devient confuse et perd de sa lisibilité. Le lecteur n’a pas le temps de s’attacher aux personnages ni de se laisser porter par une intrigue, étouffé par un flot de détails historiques. L’intention pédagogique se retourne contre l’expérience de lecture : l’ouvrage devient indigeste.

Borch, aux dessins, relèvent l’ensemble. Son trait précis, ses compositions soignées et ses couleurs donnent une réelle dimension visuelle au récit. L’aspect graphique donne vie aux scènes et parvient, à certains moments, à maintenir l’attention du lecteur là où le texte échoue. Sans ce soutien visuel de qualité, il serait difficile de poursuivre la lecture jusqu’au bout.

Malgré tout, l’impression finale reste mitigée. Cette bande dessinée n’est jamais vraiment une histoire construite, mais plutôt une compilation d’événements, à mi-chemin entre la fresque scolaire et le catalogue d’informations. On sent la volonté de bien faire, de ne rien oublier, mais ce choix dessert le plaisir narratif. On suit davantage un exposé qu’un récit construit, ce qui nuit à l’engagement du lecteur.

Ironiquement, les pages les plus intéressantes se trouvent à la fin : un arbre généalogique détaillé de Guillaume ainsi qu’un panorama des lieux à visiter en Normandie. Ces annexes, claires et synthétiques, remplissent parfaitement l’objectif initial de valoriser l’héritage du Conquérant. On y trouve enfin un équilibre entre information et lisibilité, qui manque cruellement au reste de l’album.

Guillaume : Bâtard et Conquérant est une œuvre ambitieuse mais inégale. Elle brille par ses qualités graphiques et par la richesse de sa documentation, mais échoue à transformer cette matière en un récit fluide et captivant. À trop vouloir instruire, la bande dessinée perd de son souffle narratif et se rapproche du manuel scolaire illustré. Dommage, car l’histoire de Guillaume le Conquérant méritait un traitement plus incarné et plus narratif, capable de séduire autant l’amateur d’histoire que le simple curieux.

StevenBen
5
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le 18 sept. 2025

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Steven Benard

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