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La signature de la revue Chasse-Marée et la promesse de l’ancre de marine accolée au nom de l’auteur ne mentent pas. Par son format exceptionnel, la qualité du papier, la splendeur de la couverture : L’Hermione est objectivement un bel objet. La frégate toutes voiles dehors est un vibrant appel au voyage.


Pour avoir consacré son talent « à la mer, à la Marine nationale et aux gens de mer », Jean-Yves Delitte est le premier, et seul à ce jour, dessinateur admis dans le très sélectif cercle des « peintres de la marine ». Le dessin est magnifique, les couleurs numériques et le cadrage superbes, les reconstitutions de la ville et de son chantier naval parfaites. Quitte à choquer les puristes, l’artiste avoue s’autoriser à tracer des voiles très tendues ; le navire « trop toilé » chavirerait ; pour la beauté visuelle de la planche. Il est moins à l’aise avec les visages, qui souvent manquent d’expressivité.


Delitte signe aussi le scénario. Nous sommes en 1779. Le ministre ordonne à l’arsenal de Rochefort d’armer, dans le plus grand secret, une frégate à l’attention du jeune Gilbert Motier de La Fayette. Le navire est confié au capitaine de La Touche. L’auteur dispose de deux magnifiques figures : le célèbre Lafayette, le héros des deux mondes, et le futur Latouche-Tréville, le seul marin à avoir repoussé à deux reprises les assauts de Nelson (les 5 et 15 août 1801). Cet aristocrate est l’un des rares « officiers rouges » de marine à ne point avoir émigré et à avoir survécu à la tourmente révolutionnaire. Le meilleur amiral français de sa génération mourra d’épuisement en rade de Toulon en 1804. S’il avait vécu un an de plus, il commandait à Trafalgar et… qui sait...


Or, le récit néglige ses héros naturels, pour s’attarder et se perdre dans les turpitudes d’un espion anglais, John Rodney dit le marquis de Saint Vincent, qui s’emploie à contrecarrer le départ de La Fayette. L’homme est cynique, cruel et trivial. Il soudoie, ment et tue de sang-froid. En pure perte, nous savons tous que La Fayette partira ! La mort, sans gloire, du triste sire ne sauve pas l’album, qui ne dispose plus que de quelques pages pour nous embarquer pour l’Amérique. Trop tard...

Créée

le 9 juin 2018

Critique lue 194 fois

Step de Boisse

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