« Il y a trois sortes de (bière) Kluutch : la légère, qui ne vaut rien, la classique, avec son étiquette bleue bien connue, et, enfin, la rouge qui est bien trop forte pour être bue par cette chaleur. »


Benoît Sokal crée la série pour le magazine (À suivre) en 1979. Elle plonge des animaux anthropomorphes dans une atmosphère de polard blafard. Canardo pourrait être le fils adultérin de Daisy de Disney et de l’inspecteur Colombo, scénarisé par un émule de Raymond Chandler. Si le héros est belge, l’influence est clairement américaine. Ce privé neurasthénique et débrouillard est passablement intègre et alcoolique. Peu sportif, il déteste courir, mais tire souvent juste. Le dessin des personnages est humoristique, les décors réalistes et les planches fort bien découpées, Sokal multipliant angles et formats. Sur un concept proche, Junajo Guarnido et Juan Diaz Canales développeront, vingt plus tard, l’extraordinaire Blacksad. Les sept premières enquêtes sont très séduisantes, Sokal ballade son héros de Russie (La marque de Raspoutine) en Amérique de sud (L’Amerzone), du Moyen Orient (La Cadillac Blanche) au fin fond du Pacifique, développant un univers original et souvent poétique… qui oubliera les Oiseaux Blancs de l’Amerzone ?


J’avoue une préférence pour L’Ile Noyée. Lauréat d’un jeu-concours, Canardo pêche au gros sur un îlot perdu en compagnie de l’encombrant Ernst Hemingway (Ballingway). Dans un trophée, un requin de belle taille, il découvre un résident assassiné. Le huis-clos est intelligemment mené. La plume de Sokal est grinçante, ses personnages cyniques à souhait. Le temps presse, car l’ile coule. La dernière page est magnifique.


Depuis, Canardo ne quitte plus guère les beaux quartiers européens. La série semble s’être vouée à la dénonciation des turpitudes de la haute bourgeoisie, incestes, viols, adultères, corruptions et autres chantages. Nous avons perdu en poésie et en créativité, ce qu’elle a gagné en réalisme social.


P. S. Sokal fut l’un des premiers dessinateurs à travailler sur ordinateur. On lui doit le scénario et le graphisme de plusieurs jeux vidéo, dont une adaptation de L’Ile noyée.

Créée

le 27 févr. 2017

Critique lue 296 fois

11 j'aime

Step de Boisse

Écrit par

Critique lue 296 fois

11

D'autres avis sur L'Île noyée - L'Inspecteur Canardo, tome 7

L'Île noyée - L'Inspecteur Canardo, tome 7
Alligator
8

Critique de L'Île noyée - L'Inspecteur Canardo, tome 7 par Alligator

juin 2008: Tellement bon, tellement mélancolique et tellement romantique dans le sens littéraire, avec cette image de décrépitude anéantie, de désolation passive, tellement bon donc que je me demande...

le 6 nov. 2013

2 j'aime

Du même critique

Gran Torino
SBoisse
10

Ma vie avec Clint

Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...

le 14 oct. 2016

125 j'aime

31

Mon voisin Totoro
SBoisse
10

Ame d’enfant et gros câlins

Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde...

le 20 nov. 2017

123 j'aime

12