Seuls au monde

J'ai chopé cette BD tout-à-fait par hasard, en en cherchant une autre pour tout vous dire.

L'idée de base est vraiment sympa. Je n'avais jamais entendu parler de cette île qui fut réellement coupée du monde pendant longtemps. Cela m'a un peu fait penser à "Les esclaves oubliés de Tromelin" dans le fait qu'on découvre la manière de vivre d'un peuple oublié. Malheureusement le scénario fait un peu défaut. Le début, déjà, en flashback. C'est bien de vouloir casser la linéarité, mais ça aurait certainement été plus intéressant de découvrir l'île en même temps que le héros en connaissant son histoire plutôt que de nous révéler tout cela une fois qu'il est à terre. Cela aurait donné une dimension plus spectaculaire à cette première rencontre. Ensuite, le scénariste semble partagé entre l'idée d'approfondir l'aspect sociologique et celui de faire avancer son intrigue. Il met un peu des deux. le meilleur, c'est quand on découvre les gens, bien sûr, sauf que ça ne dure pas assez. Quant à son intrigue, elle n'est pas inintéressante (et rappelle vaguement "The wicker man"), mais elle est trop vite expédiée, dévalorisant ainsi totalement le méchant de l'histoire. C'est dommage parce qu'il ne se passe pas grand chose et puis tout d'un coup on enchaîne les événements étranges et les révélations fumeuses avant d'annoncer la fin de l'album. On ne profite donc de rien au final.

Le dessin est quand même très moche. Il y a un côté naïf qui est sympa et qui me rappelle "Ethel and Ernest". Mais il y a aussi cette volonté de bien faire par moment sauf que l'auteur échoue. En fait, on est constamment le cul entre deux chaises. Par exemple les visages et les corps sont parfois déformés, il en ressort une certaine beauté, comme dans le dessin d'un grand enfant, et puis à d'autres moments on dirait plus une incapacité à faire du beau dessin. C'est pareil pour la couleur. Il y a des effets de matière assez sympas et puis des couches assez grossières avec des contrastes irréguliers ou un jeu de lumière pas assez marqué. Je pense que la technique de l'aquarelle fait parfois défaut aussi ; elle utile pour les effets de matière (tel que le brouillard) mais je pense que le côté enfantin du dessin serait mieux passé avec des crayons de couleurs. Le découpage laisse le même effet : quelques très chouettes choix et puis des trucs à se demander si l'auteur était ivre à ce moment là. À ce propos, j'ai beaucoup aimé la scène lorsque le héros est ivre.

Malgré tous les défauts cités, je n'ai pas passé un mauvais moment. Pour le dessin, c'est simple : je suis d'avis que si une histoire est bonne et qu'elle est bien racontée, les défauts visuels s'évaporent (tant que la mise en scène suffit à valoriser le scénario). L'intrigue comporte quelques faiblesses, c'est sûr, mais elle jouit d'une idée de base intéressante pas totalement inexploitée et laissant place à quelques chouettes moments. Les personnages sont assez intéressants aussi, du moins le principal étant donné que les secondaires sont nettement moins développés (mais bon, le méchant de service sera peut-être plus développé dans le second tome ?).

Bref, ce fut une agréable surprise, même si ça pourrait aller bien plus loin. Ça me donne bien envie de me documenter sur cette île pour pondre ma propre histoire, mais bon, j'en ai déjà trop sur le feu pour en plus m'aventurer là-dedans pour l'instant. Peut-être dans quelques années ?