Sept histoires courtes qui s'entrecoupent et se répondent, 


les échos sourds d'un certain déterminisme des cités de banlieues,



entre fausses illusions et tentatives d'échappées, Les Contes Noirs du Chien de la Casse est la première publication de Remedium qui présente là un style graphique séduisant dans son dénuement et



une poésie urbaine tailladée au schlass.



Le recueil suinte de désillusions autant que de volonté de se créer un chemin personnel : un artiste qui ne s'amuse pas du divertissement mais cherche à poser les questions les plus pertinentes autour des fractures sociétales de notre pays, à découvrir absolument !


Entre trafic de drogues, passivité au confort rudimentaire d'un canapé de récupération (on pense fortement au chef-d'œuvre de Mathieu Kassovitz, La Haine), poids d'un microcosme où le silence s'impose et espoirs chuchotés au secret d'un toit de hlm, Remedium raconte 


le quotidien de milliers de jeunes français délaissés,



embourbés dans le manque de perspective et condamnés à un avenir sans gloire ni gloriole, sans autre horizon que les friteuses d'un fast-food ou les barreaux d'une prison. Les échappées se résument à des virées fatales, à des projets de fuite. La justice se heurte au silence autant qu'à l'inertie lourde d'une police pas pressée d'en découdre sinon pour quelques inculpations mineures. La vie ne propose guère de grand vent... Toute la verve poétique de Remedium illustre à merveille ces impasses, à coups de mots tranchants, à coups d'échos acerbes, comme un voile de réalisme sombre.
C'est déprimant autant qu'envoûtant. Ça pue la triste vérité d'une jeunesse oubliée, reniée.
Le dessin séduit tout pareil : trait large du feutre, gueules découpées d'expressivité et décors lugubres malgré le soleil, il y a là encore



un style urbain marqué et impressionnant de précision.



Le découpage suit la poésie sans répéter ce qui s'y dit, développe l'action sous le discours et donne à voir sans ornement la nudité des désœuvrements qui ne passent pas les journées de ces âmes en latence. Remedium, en plus de son talent, fait preuve d'un sens du rythme minutieux, sans pause ni raccourci, où l'ennui s'étire et se heurte aux brusques accidents de ces épopées minimalistes qui ne pleurent que le banal du surplace qui condamne ces pauvres laissés pour compte de nos banlieues.


Indispensable pour se reconnecter aux difficiles réalités d'une large proportion de nos frères et cousins des cités françaises, Les Contes Noirs du Chien de la Casse dégage 


une poésie brute, empreinte de béton,



qui chuchote sans agitation leurs horizons irrémédiablement bouchés. Remedium livre un premier ouvrage impressionnant de maturité, revendicatif sans être violent ni acerbe, dur parce que telle est l'existence, et sans complaisance aucune, ni pour ceux-là qui traficotent à leur survie aux contours du bien-être collectif, ni pour celles qui rêvent de s'en extraire pour vibrer, enfin, d'une lointaine liberté.

Matthieu_Marsan-Bach
8

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le 28 août 2018

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