Comme dit la maîtresse d'école : "Qui vole un œuf, vole un bœuf"


- Bonjour, mon petit garçon ! Comment t'appelles-tu ?
- Benoît, madame !
- Ah ? C'est un bien joli nom !... Moi, je m'appelle Adolphine !
- Ah ?... Heu... C'est aussi un beau nom !
- Mais tu sembles tout triste ! Pourquoi ?
- Je suis tout seul ! Et ce n'est pas gai de jouer tout seul !
- Eh bien, si tu veux, nous pourrons peut-être jouer tous les deux ?
- Vrai ? Youpiii !!!


Simplicité et profondeur



Dans le premier tome dénommé "Les Taxis rouges", notre petit super-héros français Benoît Brisefer se retrouve confronté à des criminels ordinaires, des individus dénués de super-pouvoirs mais capables de perpétrer des méfaits à l'échelle humaine. Pour le deuxième tome des aventures de Benoît Brisefer, intitulé "Madame Adolphine", le récit marque un tournant majeur dans la série, introduisant le jeune héros à son premier super-méchant. Chaque super-héros digne de ce nom possède son propre antagoniste, un super-vilain doté de pouvoirs extraordinaires. À l'inverse des justiciers, ces individus malveillants exploitent égoïstement leurs dons pour perpétrer des crimes et des actions néfastes. C'est dans ce contexte que Madame Adolphine entre en scène, un robot créé par Monsieur Vladlavodka, un fabricant d'automates passionné par l'électronique. Par inadvertance, il donne naissance à un redoutable méchant robot qui se présente comme l'alter ego ultime de Benoît. Les contrastes entre Benoît et Madame Adolphine sont saisissants. Alors que Benoît est jeune, Adolphine est vieille. Tandis que Benoît est bien éduqué, Adolphine est mal éduquée. Cette dualité s'étend à tous les aspects de leur caractère, illustrant un affrontement entre la simplicité juvénile de Benoît et la ruse malfaisante d'Adolphine. Cet antagonisme offre une dynamique divertissante à l'histoire, renforçant l'idée que chaque super-héros doit affronter un adversaire unique et redoutable pour tester ses limites et révéler sa véritable grandeur. Essentiellement, Benoît représente la quintessence de la pureté sous toutes ses formes, tandis qu'Adolphine incarne le mal. Cette confrontation transcende le simple affrontement physique pour revêtir une dimension idéologique, opposant deux générations aux visions du monde diamétralement opposées. Toutefois, ce duel idéologique est enveloppé d'une bienveillance éclairée, une nuance bienvenue que Pierre Culliford, plus connu sous le pseudonyme "Peyo", sait instiller avec habileté.



Il transcende ainsi le schéma classique du duel entre le bien et le mal en explorant la complexité des valeurs et des distinctifs. Cette bien pensance, empreinte de subtilité, confère à l'histoire une dimension enrichissante et offre aux lecteurs une réflexion plus profonde sur les nuances de la moralité et de la confrontation entre les générations. En effet, l'ingéniosité narrative de Puyo transparaît dans la dualité de son antagoniste, car Madame Adolphine est présente sous deux facettes distinctes. D'un côté, il y a la véritable Madame Adolphine, celle qui a servi de modèle au robot, incarnant la bonté, la sagesse, l'attention et la fragilité. C'est une figure à laquelle Benoît développe une réelle affection, en raison de son acte généreux de jouer avec lui dans le parc. Benoît, lui-même en proie à la solitude du fait de ses capacités exceptionnelles, trouve en elle une amie sincère, établissant ainsi une connexion émotionnelle authentique. Cette relation donne naissance à une belle séquence, une exploration émotionnelle où le lecteur découvre avec délectation la belle interaction entre Benoît et la Madame Adolphine. Un moment empreint de tendresse, mettant en lumière tour à tour la vulnérabilité et la gentillesse du petit garçon et de la vieille dame. Une construction subtile des liens qui se tissent entre les personnages. Une subtilité narrative qui prend un tournant abrupt lorsque le côté obscur de Madame Adolphine, incarné par les méandres de ses circuits électroniques, commence à se manifester. Ce penchant met en lumière la dualité fondamentale du personnage, conférant ainsi une petite touche tragique à l'intrigue. L'émergence de cette obscurité crée un contraste intelligent avec l'innocence initiale de Madame Adolphine, qui va toucher profondément le cœur de Benoît. En effet, la véritable Madame Adolphine sera victime des agissements de sa réplique malveillante, générant ainsi une tension narrative plus efficace, bien que restant ancrée dans la simplicité caractéristique de l'univers de Benoît Brisefer.


La bande dessinée s'engage facilement, malgré la présence de bulles de dialogue assez substantielles, ce qui n'enttrave en rien l'appréciation du récit pour ce qu'il est. Les fils narratifs se distinguent par leur simplicité évidente, clairement destinée à un public mineur. Cette approche se traduit par des séquences simples et improbables, caractéristiques de l'ambiance bon enfant de cette saga. L'humour, particulièrement perceptible dans les interactions entre Benoît et le gardien de prison, ajoute une dimension comique à l'ensemble, le scénariste parvenant à le faire passer pour un fou, une subtilité plaisante. Les différentes péripéties de l'intrigue sont divertissantes, le point culminant étant l'évasion de prison orchestrée par Benoît pour sauver la véritable Madame Adolphine. Toutefois, la conclusion est quelque peu simpliste, exploitant une fois de plus la vulnérabilité de Benoît face à un simple rhume. La rapidité avec laquelle se dénoue l'intrigue est compensée par une note ironique, marquée par la confusion persistante entre la fausse et la vraie Madame Adolphine, un élément que l'auteur exploite habilement tout au long du récit. Un équilibre entre l'humour et l'action via une simplicité narrative qui rend ce deuxième tome accessible et agréable, avec un esprit ludique, même si on reste dans quelque chose de relativement sage, un peu trop sage même. Du point de vue artistique, Puyo insuffle une simplicité graphique à son récit. Les personnages, bien que dessinés avec une simplicité délibérée, parviennent à transmettre une expressivité et une personnalité distinctes. Cette approche graphique, bien que minimaliste, contribue à créer une atmosphère légère et accessible, en harmonie avec le ton bon enfant de l'œuvre. Toutefois, l'inégalité dans le traitement des arrière-plans se fait sentir, souvent réduits à de simples rideaux de couleur. Il serait quand même injuste de ne pas louer la qualité de certains décors, en particulier la représentation de Vivejoie-La-Grande, ainsi que celle d'autres villes, qui démontrent (quelquefois) une attention particulière aux détails.



CONCLUSION :



Le deuxième tome des aventures de Benoît Brisefer, "Madame Adolphine", par Puyo, offre un périple divertissant. L'ajout d'un super-méchant, en l'occurrence Madame Adolphine, apporte une nouvelle dynamique à l'histoire, mettant en lumière une dualité générationnelle empreinte de tendresse et de bienveillance. Une aventure équilibrée entre humour, action et réflexion, via une conduite bon enfant qui aurait néanmoins mérité un peu moins de simplicité.


Une exploration des valeurs et des générations, teintée d'une bienveillance éclairée.



- Regardez cette vieille dame ! Elle à l'air d'être une vieille dame, et pourtant. Ce n'est pas une vieille dame ! C'est un robot !
- Un robot ? Tiens, tiens, tiens...
- Mais ce n'est pas vrai, monsieur l'agent ! Je vous l'assure !
- Si, c'est vrai !
B_Jérémy
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Classement du meilleur au pire de toutes les bandes dessinées

Créée

le 28 nov. 2023

Critique lue 142 fois

30 j'aime

19 commentaires

Critique lue 142 fois

30
19

D'autres avis sur Madame Adolphine - Benoît Brisefer, tome 2

Madame Adolphine - Benoît Brisefer, tome 2
666Raziel
5

L'avis de 666Raziel sur la série (tomes 1 à 8)

Bd sympathique que j'ai pu lire étant plus jeune, Benoît Brisefer ne m'a cependant pas laissé un souvenir impérissable. Si le dessin sait être dynamique et soigné, les scénarios, eux, demandent une...

le 31 mars 2014

Du même critique

Joker
B_Jérémy
10

INCROYABLE !!!

La vie est une comédie dont il vaut mieux rire. Sage, le sourire est sensible ; Fou, le rire est insensible, la seule différence entre un fou rire et un rire fou, c’est la camisole ! Avec le Joker...

le 5 oct. 2019

170 j'aime

140

Mourir peut attendre
B_Jérémy
8

...Il était une fin !

Quel crime ai-je commis avant de naître pour n'avoir inspiré d'amour à personne. Dès ma naissance étais-je donc un vieux débris destiné à échouer sur une grève aride. Je retrouve en mon âme les...

le 7 oct. 2021

132 j'aime

121