Après une solide bien qu’inégale intégrale de sa précédente série, une apparition chez son confrère Ninjak et un one-shot qui le remettait sur les rails, ce cool personnage de l’écurie Valiant qu’est Shadowman revient enfin dans une nouvelle série dédiée. Onze épisodes tous scénarisés par Andy Diggle (capable notamment du sympathique Green Arrow: Year One ou du très dispensable Daredevil: Shadowland) épaulé par nombre de dessinateurs. Malheureusement, Tonci Zonjic, à qui nous devons les superbes couvertures de ce volume, ne s’occupe d’aucun numéro.


Le tome est divisé en trois grosses parties. La première présente l’aller-retour de Jack Boniface (a.k.a Shadowman donc) dans notre dimension, ses retrouvailles avec sa copine Alyssa Myles, puissante mambo de son état et avec l’un de ses ennemis, le Baron Samedi. Stephen Segovia, dans un style à la Ivan Reis, illustre cette introduction honnête qui replace l’univers du personnage, entre Nouvelle-Orléans, vaudou et Monde des Morts (sorte d’univers parallèle pour les âmes des défunts avec ses propres codes, systèmes, cités, etc. Un des gros atouts de l’éditeur Valiant). Les trois numéros servent surtout de rampe de lancement à la grosse promesse de l’album : la deuxième partie et ses Shadowmen.


Celle-ci présente en effet différents membres de la lignée Boniface ayant endossé le costume et vient densifier la mythologie autour du personnage et de ce qu’il a pu représenter à différentes époques, parfois très lointaines. Le procédé n’est pas forcément original (on pense notamment à Immortal Iron Fist, au Green Arrow de Jeff Lemire, ou encore à la série Ninja-k sortie à peu près en même temps) mais reste en soi très efficace. Chacun des Shadowmen bénéficie de son propre dessinateur (mention spéciale à Shawn Martinbrough pour son Shadowman 1940’s aux accents de David Mazzucchelli) afin de lui donner plus de personnalité. Une chic idée sur le papier mais à la réalisation franchement ratée. Les récits vont trop vite et sont trop sages pour vraiment s’y plonger alors que l’on ne connaît pas (ou peu pour l’un d’entre eux) les personnages. Enchâsser ces histoires au fil des numéros en écho au récit principal aurait peut-être été plus judicieux pour cacher cet aspect très creux. On a d’autant plus l’impression que ce voyage initiatique pour Jack ne sert pas à grand chose tant son dénouement est prévisible. Un gros potentiel pour au final un sentiment de gâchis.


La troisième et dernière partie ne relève pas vraiment le niveau alors qu’elle comporte de belles promesses (baston entre factions rivales sur fond de guerre occulte, retour – enfin ! – d’un Shadowman qui s’assume, rencontre avec une vieille connaissance pas super sympa). Entre twist faiblard, caractérisation aux fraises, résolution trop facile et idées mal exploitées, ces quatre derniers numéros n’ont pas beaucoup de saveur. Le joli trait réaliste mais un peu statique de Renato Guedes est certes agréable mais ne semble pas convenir à ce type de récit qui demande au contraire un peu plus de folie, quelque chose de plus immersif.


Côté édition, Bliss propose une nouvelle fois un très bel objet avec son cahier de bonus final. Malgré quelques petites coquilles, la traduction est fluide et agréable.


Outre l’attachement que l’on peut avoir pour le personnage, cette intégrale déçoit en tant que série Shadowman mais aussi comme bande dessinée. Les évènements s’enchainent sans susciter beaucoup d’intérêt jusqu’à un final trop vite expédié et même l’arc le plus attendu se révèle bâclé. La partie graphique honnête dans l’ensemble est trop hétéroclite et ne colle pas suffisamment au sujet pour être vraiment accrocheuse. On en ressort avec la sensation qu’Andy Diggle est passé à côté de son sujet sans parvenir à capitaliser sur les possibilités offertes par son personnage et son univers. Il y a quand même pas mal de choses à faire avec le vaudou et encore plus avec le bac à sable que représente le Monde des Morts. On apprécie justement trop Shadowman et ce qui gravite autour de lui pour ne pas être franchement déçu. Mais on a tout de même hâte de voir ce que donnera la nouvelle série centrée sur le personnage avec un habitué ses récits horrifico-fantastique aux commandes, Culenn Bunn (Harrow County, The Sixth Gun), prévu pour le moment pour mai 2020.

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le 29 mars 2020

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Marlon_Ramone

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