Si on pourra toujours reprocher aux américains d’avoir massacré les indiens et mis en esclavage les noirs à outrance, il faut bien avouer que les européens ont du mal à assumer les colonies, notamment la France. Ou plus précisément, les très nombreux massacres qui ont eu lieu pendant ces colonisations, que ce soit en Afrique ou en Asie. Dabitch et Dumontheuil, pour leur première collaboration, ont décidé de réaliser un diptyque sur la mission Voulet-Chanoine se passant en 1898 du côté du Tchad. Le but de cette mission est de marquer les frontières des colonies françaises et de mater une potentielle résistance de la part des tribus africaines. Le premier épisode de cette série, sous-titré « Un esprit blanc », est sorti en août 2013.


Scénario : Deux colons, Paul Boulet et Julien Lemoine, sont bien tristes de leur retour à Paris. Il faut dire, les bordels parisiens ne valent pas ceux d’Algérie, et la savane encore moins que les pavés de la capitale. Bien décidés à repartir en expédition, les deux hommes, au physique et caractère radicalement opposés – l’un est gros, vulgaire et rustre tandis que l’autre est maigre, raffiné et froid, vont donc rassembler une colonne de soldats africains en recrutant dans les casernes et les villages, pour traverser une partie de l’Afrique et y mettre un peu « d’ordre ». Ces huit blancs et quelques centaines de noirs vont donc commettre de nombreux massacres durant leur périple, parfois plus par plaisir que par nécessitée. Le ton de l’œuvre oscille pertinemment entre humour noir et tragédie, pour un résultat sans précédent.


Dessin : Un trait semi-réaliste d’une rondeur et d’une élégance admirable, mis en valeur par des couleurs pour le moins chatoyantes. Les auteurs n’hésitent pas à prendre souvent de la distance avec les personnages, pour mieux montrer les superbes décors africains. Par ailleurs, le nombre de personnages par cases dans certaines scènes, entre les salons parisiens et les rangées de soldats, est proprement hallucinant. C’est d’ailleurs d’autant plus remarquable de par la variété des visages.


Pour : Raconter l’histoire par le biais de deux personnages extérieurs au récit permet à la fois de proposer une réflexion profonde sur les événements de l’album, et d’oser des répliques racistes lancées par les colons sans paraître ambiguë. Ce dernier point est renforcé par l’aspect très caricatural des deux colons…


Contre : … Mais qui du coup nous paraissent peu crédible. On imagine mal comment deux colons aussi ridicules que Laurel et Hardy auraient pu se faire respecter par tout un régiment d’Africains.


Pour conclure : Une bien belle surprise que « La colonne », qui dévoile un pan bien caché de l’histoire de France tout en nous faisant beaucoup rire. Cette première partie narre la montée en puissance de cette colonne de soldats, et on se doute bien que le second épisode nous montrera sa déchéance, un peu à la manière du film Le Loup de Wall Street.


Ma critique du tome 2 :
http://www.senscritique.com/bd/Exterminez_Moi_toutes_ces_Brutes_La_Colonne_tome_2/critique/69354560

Marius_Jouanny
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le 16 sept. 2014

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