Alors que son album « Les vieux Fourneaux » a remporté le prix du public du dernier festival d’Angoulême, le scénariste Lupano avait un autre album dans la sélection officielle de cette année. Un récit mouvementé au ton pourtant léger, un one-shot muet de 220 pages : « Un océan d’amour ». Sorti en octobre dernier, il avait tout autant la carrure pour conquérir le public d’Angoulême…


Scénario : Un vieux couple improbable et terriblement attachant vit dans la Bretagne rurale. Un beau jour, l’homme ne rentre pas de sa journée de pêche en mer. Sa femme, inquiète, part à sa recherche… On peut dire que Lupano a été généreux sur les péripéties de son scénario. Racontant les aventures des deux personnages en parallèle, il les confronte aux pirates des mers, à Fidel Castro, à la tempête et aux croisières de luxes, comme autant de difficultés en apparence insurmontables et de décors différents, ne lassant jamais la rétine du lecteur. On sent un véritable désir de satisfaire ce lecteur, qui est secoué par le récit comme sur un bateau en pleine mer déchaînée.


Dessin : Panaccione est un auteur qui nous vient de l’animation, et cela s’est rarement fait autant sentir dans une bande dessinée. Expressif, son dessin est presque exclusivement concentré sur le mouvement. Il n’y a pas un décor, pas une expression du visage auquel l’auteur donne vie par la dynamique de son découpage et de la composition des cases elles-mêmes. Un trait d’une efficacité redoutable donc, mis en valeur par des ambiances de couleur très variées, notamment grâce à cette diversité dans les décors des falaises bretonnes aux énormes paquebots, en passant par les rues de La Havane.


Pour : Enfin une bande dessinée qui peut se targuer d’avoir un message écologique subtil et intelligent ! Aux grands discours les auteurs laissent place aux images fortes, comme ce paquebot de pêcheur et ses gigantesques filets remplis de milliers de poissons, ou cette marée de détritus à perte de vue. Ces évènements font d’ailleurs partie intégrante du récit, n’arrivant pas comme un cheveu sur la soupe.


Contre : Les passages suivant la ménagère hilarante au chapeau typiquement breton ont parfois moins d’ampleur et de consistance que les mésaventures du vieux marin. Les deux récits ont beau agir en opposition, l’un est un peu plus marquant que l’autre.


Pour conclure : Alors que la bande dessinée a tendance à lorgner du côté du roman ou du cinéma, Lupano et Panaccione nous rappellent que le 9ème art est tout autant voir bien plus apparenté au film d’animation. Après tout, les deux peuvent êtres définis par « une succession d’images dessinées racontant une histoire ». Les pavés narratifs et les bulles sont les moyens les plus utilisés par le récit de bande dessinée, mais la démonstration par le dessin reste le moyen le plus efficace et le plus percutant de raconter une histoire. Il est aussi le plus complexe à maîtriser, le mérite des deux auteurs n’en est que plus grand.


Ma critique de la BD "Le singe de Hartlepool" :
http://www.senscritique.com/bd/Le_Singe_de_Hartlepool/critique/37484379


Ma critique de la BD : "Les Vieux Fourneaux" :
http://www.senscritique.com/bd/Bonny_and_Pierrot_Les_Vieux_Fourneaux_tome_2/critique/41929653


Ma critique de "Ma Révérence" :
http://www.senscritique.com/bd/Ma_reverence/critique/38535927

Marius_Jouanny
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le 3 mars 2015

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Marius Jouanny

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