Le lien entre Star Wars : Chevaliers de l'Ancienne République et le jeu vidéo Knights of the Old Republic dont il est issu avait jusqu'à présent été établi grâce aux lieux (Taris, l'académie jedi de Dantooine), aux organisations (les Jedi consulaires, les gangs de la ville basse) et les événements (le début des fameuses mandaloriennes) mais encore relativement peu par l'intermédiaire des personnages : certes, le Revanchiste, le capitaine Karath et les maîtres jedi Vandar Tokare, Lamar Vrook et Atris ont tous fait une courte apparition, et l'identité réelle de "Squint" devient de plus en plus évidente au fur et à mesure des albums, mais aucun des protagonistes majeurs des jeux vidéos n'a encore eu l'occasion, en deux tomes, de laisser une empreinte toute aussi marquante sur la série comics. C'est à présent chose faie avec ce tome 3, Au cœur de la peur.


Mais je vais un peu trop vite. Comme dans l'album précédent, Ultime Recours, l'ouverture de cette troisième aventure est dessinée par Dustin Weaver, au trait toujours aussi agréable. On nage en plein 1984, mais en l'occurence Big Brother s'avère être Idji Vamm, un cyborg de la race des Duros, qui annonce à un certain seigneur Adasca : "J'ai ce que vous cherchiez". Ce qu'Adasca cherche, apparemment, c'est l'ami Campeur, qui apparaît sur les multiples écrans connectés aux communications de centaines d'endroits différents, un peu comme le "sonar" de Batman et Lucius Fox dans le film The Dark Knight.


Campeur, en l’occurrence, se trouve sur la planète Raltiir, où il assiste en baillant à une séance d'entraînement entre sa protégée Jarael et Zayne Carrick. Il s'agit malheureusement des adieux entre les deux Scions et le jeune Jedi. "Tu fuis quelque chose, Campeur fuit quelque chose, je fuis quelque chose... ce serait absurde de se cacher tous au même endroit." explique Jarael. C'est pourtant à regret qu'elle dit au revoir à Zayne, auquel elle adresse le célèbre "Que la Force soit avec toi". "La Force, c'est bien beau... mais j'aurais préféré un peu de compagnie." soupire le padawan fugitif en voyant l'Ultime Recours s'éloigner en orbite. Ne t'en fais pas, Zayne, les adieux sont rarement des adieux, dans l'univers SW, surtout lorsqu'ils se terminent sur "Que la Force soit avec toi" !


Pour Zayne et Gryph aussi, il est temps de mettre les voiles. Malheureusement, tout ce que le Snivvien a pu trouver comme transport, c'est un vaisseau-cantine de la flotte de la République, volé par Slyssk, cas unique de Trandosien timide et pétochard. Le trio se retrouve donc contraint de rejoindre la flotte de l'amiral Karath, en partance pour le front. Jarael et Campeur, quant à eux, n'ont pas le temps d'aller bien loin lorsqu'ils sont attaqués par un sinistre droïde-assassin à la carcasse orangée : HK-24.


Premier "hourrah" de la part des fans du jeu vidéo KOTOR, car ce droïde est bien entendu de la même famille qu'HK-47, chouchou des fans. Il n'a certes pas sa verve, même si son "demeuré" désignant le pauvre LB rappelle bien le cynisme mordant de son descendant. Hélas, le temps pour Brian Ching de reprendre les pinceaux et KH-24 a déjà été abattu par Rohlan Dyre, caché dans la soute depuis les événements de Flashpoint dans le tome 2. Campeur est dans le coma et Rohlan recommande de l'emmener sur Arkania pourqu'il y soit traité.


Pendant ce temps, les caméos de KOTOR s'accumulent, puisque c'est le pilote Carth Onasi qui fait son apparition à la cantine tenue par Gryph et Slyssk. Carth, que je surnomme affectueusement "Belle Mèche", est aussi bavard et chaleureux que dans le jeu (peut-être même encore plus, ce qui n'est pas surprenant, puisqu'il n'est pas encore veuf...) et sympathise avec Zayne. C'est donc à lui que l'ex-padawan fait appel pour contacter l'amiral Karath, commandant de la flotte, et lui faire part de sa vision concernant l'attaque des Mandaloriens contre le système dans lequel il se trouve.


Cette "vision" de Zayne tombe comme un cheveu sur la soupe et constitue mon plus gros problème avec Au Coeur de la Peur ; la prémisse de LCDLAR ne repose-t-elle pas justement sur l'incongruité de la relative incompétence de son héros ? Déjà que dans le tome 2, Zayne parvenait sans problème à manipuler l'esprit d'un mineur et effectuait un superbe salto digne de Dark Maul, mais voilà qu'il peut anticiper le futur !!! Un peu énorme pour le "Saint-Patron de nivellement par le bas" comme il se surnomme lui-même, non ? Enfin, toujours est-il que le lecteur, pour peu qu'il ait joué à KOTOR2, a de quoi prendre la menace au sérieux lorsqu'il apprend que la planète s'appelle... Serroco.


[retour de Weaver au dessin]


Hélas, il est bien le seul. Gryph, dont la cantine marche du feu de dieu grâce aux surprenants talents de cuisinier de Slyssk, refuse de lâcher son gagne-pain pour repartir en orbite, tandis que l'amiral Karath croit que Zayne est un provocateur et un agent mandalorien, qu'il entend bien torturer pour lui soutirer la vérité. Il va même jusqu'à tenir le même langage que dans KOTOR : "Je ne suis pas un homme cruel, mais je suis pragmatique lorsqu'il s'agit de protéger mes hommes." Mal lui en prend : Zayne avait vu juste, et les Mandaloriens, plutôt que de tirer sur la flotte, envoient leurs missile la contourner pour s'écraser sur la planète. Des millions de vies, bâtiments et vaisseaux sont perdus, dont la cantine contenant Gryph et Slyssk...


Plus encore que le massacre des padawans dans le tome I, il s'agit de la séquence la plus glaçante de LCDLAR, illustré avec tact et sobriété par Weaver. Zayne est brisé par la tournure prise par les événements, et notamment la mort probable de son seul ami, bien que Carth vienne lui apprendre que plusieurs vaisseaux ont réussi à s'échapper avant l'impact."Tiens bon, Zayne".


|Retour de Ching]


Le jeune homme n'est pas le seul à passer une sale nuit : Raana Tey revit en rêve le massacre des padawans, sauf que... elle est une enfant et ce sont les padawans qui se dressent devant elle, yeux rouges et sabres lasers au poing. Cette scène de cauchemar très réussie n'est qu'un bref aparté avant le retour de Jarael sur Arkania - enfin, pas vraiment un "retour", puisqu'à la surprise des autochtones elle n'y a jamais mis les pieds. Nous apprenons que son vrai nom est Edessa, "le triomphe", et que ses compatriotes scions sont victimes d'un véritable apartheid de la part des Arkaniens au yeux opaques et aux doigts crochus. Surtout, en désespoir de cause, la jeune femme commet l'erreur de faire appel au richissime propriétaire du conglomérat Adascorp, Arkoh Adasca, pour soigner Campeur, alors même qu'il a cherché à leur échapper pendant des années...


[Harvey Tolibao passe au dessin jusqu'à la fin de l'album]


De prime abord, le jeune et fringant Arkoh paraît pourtant bienveillant et désireux d'humaniser une entreprise qui, de son propre aveu, n'a pas toujours respecté les limites de la décence lorsqu'il s'agit de progrès scientifique. Mais contrairement à la pauvre Jarael, nous comprenons bien vite qu'il y a anguille sous roche. La survie de la jeune femme n'est assurée que si Campeur termine son travail entamé bien longtemps auparavant pour le compte de la compagnie. Ce travail, s'avère-t-il, consiste à prendre le contrôle de l'esprit des Exogorths (le ver spatial géant qui manque d'avaler le Faucon Millénium dans L'Empire contre-attaque) pour en faire des armes de destruction massive...


Ce twist final laisse songeur, mais dans l'ensemble Au Cœur de la Peur aura encore une fois été de très bonne facture. Beaucoup plus sérieux le tome précédent axé sur la comédie, il ne se départit pas des bons mots et situations cocasses qui font le charme de la série (toutes les scènes à la cantique de Gryph sont un régal, sans mauvais jeu de mots) mais ce sont les séquences les plus intense qui justifient le titre de l'album et font toute sa force. J'ai déjà mentionné le génocide de Serroco (particulièrement glaçant pour qui s'est aventuré sur Nar Shaddaa dans KOTOR2) et le cauchemar de Raana Tey, mais le triste sort de la population scion, le chantage exercé sur le pauvre Campeur et le mystère qui s'épaissit autour du personnage de Rohlan, soudain très versé dans la médecine et les sciences, font de ce tome 3 un tournant dramatique dans la série. Reste à voir ce que nous réserve ce twist final...


Une autre particularité sympathique de cet album, et du suivant, réside en les interludes entre les chapitres, sous la forme de fiches d'information : tantôt un communiqué officiel de la flotte républicaine, tantôt un magazine pour chasseurs de prime, ici les journaux de Taris assiégée, là un courrier du seigneur Adasca à ses investisseurs... tous sont très originaux et permettent de faire avancer l'histoire de manière amusante et organique. Le bulletin-holo des freelance de la sécurité est particulièrement amusant et bien écrit ! On sent que John Jackson Miller s'est fait plaisir.


Malgré le faux-pas de la vision, Au Coeur de la Peur poursuit donc avec brio les aventures de Zayne, en augmentant les enjeux tout en les rapprochant de l'intrigue des jeux vidéos, le tout avec l'action trépidante et l'humour décapant que l'on serait en droit d'attendre de cette série décidément hors-normes !

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le 14 janv. 2020

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Szalinowski

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