Batman : Noël
7.2
Batman : Noël

Comics de Lee Bermejo (2011)

Quand j'avais lu "Joker", écrit par Brian Azzarello et dessiné par Lee Bermejo, j'avais tout lu d'une traite, un après-midi, en m'attardant sur chaque page pour vraiment bien observer les illustrations, qui étaient un pur plaisir visuel.
J'avais hâte que Bermejo fasse un autre comic dans le même genre.
En 2011, il a fait "Batman Noël", où il était non pas seulement dessinateur mais aussi carrément auteur.


C'est pas un comic, c'est une œuvre d'art. L'album est magnifique dès la première page, alors qu'on y voit simplement des bâtiments. Mais des bâtiments dessinés avec un tel souci du détail que c'en devient forcément très beau.
Bermejo se fait remarquer par ses choix de cadres aussi, il trouve des façons de renouveler des situations communes, comme Batman qui saute sur un toit. Ici, on ne voit que ses pieds, recouverts par sa cape qui se soulève, et quand il saute du toit on ne voit que le bout de sa cape dépassant du rebord alors qu'il plonge ; le personnage est comme une ombre, insaisissable.
Le dessinateur trouve aussi des idées de compositions géniales, comme cette page où les cases sont dans une succession de diagonales et restent quand même lisibles, ou comme avec ce flashback montré dans des décors partagés avec des scènes au présent.
Dans l’introduction de l’album, Jim Lee décrit très bien le style de Lee Bermejo : mélange entre esthétique gothique et modernisme, et dessins lumineux qui cachent quelque chose de sombre.
En tout cas, c’est toujours magnifique.
Dans Joker, Bermejo réinventait le look des personnages. C’est un peu moins le cas ici, mais Batman a l’air d’un badass, et il y a beaucoup plus de détails apportés à son costume. Les autres personnages subissent un peu le même traitement, tout en gardant l’essence de leur look d’avant.
C’est intéressant aussi de voir comme Bermejo représente les anciennes versions des costumes des personnages, lors des flashbacks ; il fait référence notamment à la série des années 60.


Pour ce qui est du scénario, un narrateur nous raconte l’histoire de "Scrooge" (personnage d’Un chant de Noël de Dickens), par métaphores, sans qu’on comprenne pendant un bon moment si ce personnage désigne le Joker ou Batman. Selon les situations décrites par le narrateur, ça pourrait être l’un ou l’autre selon les moments.
Après un certain temps, on comprend que Scrooge est censé être Batman, mais c’est incohérent étant donné qu’au début on parle de l’avidité du personnage, et qu’on dit d’un personnage qu’il travaille pour lui alors qu’il est un sous-fifre du Joker.
L’allégorie n’est pas du tout adaptée : on présente Scrooge comme un être riche et égoïste, méprisant ; Batman ou même son alter ego Bruce Wayne ne sont pas ainsi. Certes Wayne est riche, mais il est altruiste, et c’est un véritable héros.
Bermejo, pour les besoins de son récit, déforme le personnage de Batman, il en fait un justicier qui ne distingue pas les criminels entre eux, les plaçant tous au même niveau quelles que soient leurs motivations. De plus, la leçon qu’on veut nous livrer, que tout n’est pas noir ou blanc, semble tellement déjà vue.


L’esprit du passé et du présent sont un Robin décédé et Superman, des idées sympathiques pour mettre en parallèle l’histoire de Dickens avec l’univers de Batman, mais en dehors de ça, rien ne colle.
Et si on excepte le fait que le récit de Bermejo se cale sur celui d’Un chant de Noël, l’histoire n’a que peu de sens.
Ce n’est même pas une mise en parallèle qui s’en tient strictement au texte de Dickens, celui-ci est adapté, puisque le narrateur parle dans un langage familier et replace des situations dans un contexte moderne, mais le récit n’est pas adapté de sorte à coller aux images du comic, bizarrement. Par exemple, vers la fin, on parle du fait que "Scrooge" ait changé, se montrant plus chaleureux avec ses proches, et au lieu de voir Bruce Wayne, on voit des policiers qui s’enlacent.
Ca n’a aucun sens.
Le comic est même trop bavard, sur plusieurs pages on s’étend sur un seule et même propos le plus souvent creux, formulé et reformulé différemment pour faire du remplissage.


En bref : l’histoire de Batman Noël est nulle, mais c’est un très joli livre d’images.

Fry3000
6
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le 18 avr. 2013

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Wykydtron IV

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