Un goût de réchauffé

Objet intéressant sur le plan éditorial (concept original, maquette soignée), "En cuisine avec Alain Passard" se situe à mi-chemin entre la bande dessinée et le livre de cuisine (certains ont d'ailleurs pu l'apercevoir en vitrine de boutiques dédiées à la gastronomie).

Si les recettes du Maître auront leur intérêt pour les gourmets, les amateurs de grandes tables et autres habitués des fourneaux, la partie bande dessinée devrait laisser à tous les autres un goût d'inachevé.

Cette sensation découle en premier lieu du manque de cohérence scénaristique du projet. Christophe Blain semble en effet hésiter entre le carnet de croquis à la Joan Sfar (Ukulele), le récit documentaire à la Etienne Davodeau (Les mauvaises gens) et la veine humoristico-réaliste qui lui avait si bien réussie avec Quai des Orfèvres.

Mais contrairement à son précédent projet, Blain n'a manifestement pas pris le temps de construire son récit, sans doute étouffé par la profusion de détails à cueillir sur le vif, dans un univers où l'infinie précision du geste le dispute à l'extrême rapidité d'exécution.

Les strips - d'une qualité graphique variable - alternent ainsi sans cohérence ni transition, entre les scènes d'élaboration de recette, le quotidien du service, la présentation de certains personnages, qu'on regrettera, à la fermeture de l'album, de ne pas avoir pu mieux connaître.

Car, en effet, Blain, comme fasciné par le maître des lieux, peine à accorder de l'importance aux seconds rôles, (seconds rôles qui donnaient toute leur saveur aux deux tomes de la série coécrite avec Lanzac). Et là où De Villepin apparaissait comme un histrion épuisant, mais somme toute attachant, Passard fait figure de génie perfectionniste, mais insupportable d'autosatisfaction.

Mal à l'aise dans un projet insuffisamment mûri (un album de commande ?), Blain livre un opus bâclé et fade.

Qui m'a laissé sur ma faim.