Il faut que je vous parle un peu de Frieren les amis, plus particulièrement le tome 14.
Ce tome 14, c'était un peu ce que j'attendais le plus dans l'année 2025. Oui je sais, il y a des choses probablement plus importantes culturellement, ou plus fortes. J'ai vu beaucoup de gens s'extasier à fond dès les premiers trailers du nouveau Superman censé donner le coup d'envoi de l'univers de super-héros DC comics, d'autres plaçaient tous leurs espoirs dans le nouvel épisode d'une énième franchise à succès relative (avec au hasard coche les cases : des dinos, du super espion, un couple qui se retrouve plongé dans des enquêtes supernaturelles, une nouvelle poupée démoniaque à exorciser ou je sais plus c'est la même chose ou que sait-je-mon-dieu-je-suis-un-peu-cynique), bon, bon... Eh bien moi c'est.... Frieren. Chacun son truc quoi.
Alors du coup il faut que j'en profite pour vous expliquer ma relation avec Frieren dans le monde des mangas. Frieren, c’est une œuvre qui ne m’a pas interpellé directement, elle a même plutôt (bien trop) pris son temps. Il en est de ses oeuvres où vous ne rentrez pas encore dedans vous savez. On cite souvent la seconde saison de Breaking Bad, tel disque où il faut parfois persévérer ou plutôt laisser les composition se bonnifier et mâturer en nous. Pour ce qui est d'une oeuvre sur papier comme Frieren, je vais faire une comparaison avec un manga devenu culte, j'ai nommé Berserk.
J’ai coutume de dire à propos de Berserk que le manga ne commence véritablement qu’à partir des tomes 3 et 4. En effet on sait que Kentaro Miura après un premier prototype a pris le temps de prendre du recul, réfléchir plus profondément à l’histoire, affiné son style graphique et quand il aborde l’énorme flashback qui raconte l’histoire de Guts depuis sa naissance tourmentée en 3ème tome, le fossé est énorme tant scénaristiquement que graphiquement (la comparaison entre le tome 1 et 4 vaut le coup d’œil). A partir de ce moment, Berserk décolle d’un coup pour ne quasiment presque plus retomber.
Pour Frieren, c’est plutôt l’impression d’une œuvre qui se pense et s’active en direct comme si au début les auteurs ne savaient pas encore où aller clairement et ça se voit (du moins pour moi). Les trois premiers tomes sont…. Terriblement basiques. En fait ça ne permet même pas de voir le potentiel de la série, juste quelques « aperçus » de ce potentiel. Sans spoiler mais la « méchante » de ce premier arc, « Aura la guillotine » est une méchante démone banale qui répond aux poncifs du shonen (gnagna les forts, les faibles, oué bon, en temps que lecteurs souvent aguerris, on connaît). On notera toutefois que Frieren ne s’embarrasse pas du tout à éliminer froidement les démons, à notre époque actuelle où l’on chouine face à la montée des fachos et qu’on laisse l’inévitable revenir de plus en plus, ça fait du bien quelque part. Voilà, ça c'est dit.
Les tomes qui suivent continuent de poser le monde à travers l’ajout de nouveaux personnages (Sein le prêtre qui aime boire et fumer -- dans un manga qui s'adresse aussi bien aux adultes qu'aux adolescents c'est savoureux, übel et Land, Denken…) et s’avèrent rehausser un peu plus l’intérêt pour le manga, il s’agit des tomes 4 à 7, l’arc des examens de magie. Ici se met en place des stratégies de combats qui s’avèrent des plus intéressantes et là pour le coup j'ai commencé à être positivement intrigué. L’animé de la saison 1 ne s’y est pas trompé puisque ça occupe quasiment la moitié de la série. C’est aussi véritablement là qu’on met en place des personnages qu’on va retrouver épisodiquement par la suite de temps en temps, ce qui en devient passionnant dans les histoires et les liens qui se tissent. D’un banal shonen, le manga commence à trouver son ton à ce moment là à travers passages contemplatifs et posés souvent tendres et action parfois plus vive. D’ailleurs je trouve la série animée (disponible sur crunchyroll, amazonprime, netflix…) véritablement complémentaire car le manga passe très vite sur les combats des premiers tomes là où l’animé les détaille avec le même respect que les scènes plus intimistes, le tout porté dans une adaptation fidèle qui sait avoir de vrais points de vue de mise en scène parfois et une bande son orchestrale du compositeur Evan Call du plus bel effet.
Et avec les tomes 8 ou plutôt 9 à 11, là je trouve que ça devient véritablement génial. Voilà, on y est, good. L’écriture de certains personnages (la relation Denken/Macht/Glück) atteint des sommets et la série se permet de fouiller sans complexe dans ce qu’elle a posé tout le long auparavant, quitte à aller dans plusieurs directions inattendues (notamment un aspect presque tragédie métaphysique lié à la réflexion sous-tendue par les démons tout le long de la série sur « qu’est-ce qui fait notre humanité ? ».
Bref, Frieren pour moi est une œuvre qui prend tout son temps mais se révèle payante sur la longueur. La version animée a le mérite de se regarder encore mieux et d’offrir quelque chose qui dépasse la simple adaptation copié collé comme plein d’autres séries (je pense à One punch man par exemple) le font. Et donc on arrive aux derniers tomes et donc ce tome 14.
Là aussi sans spoiler, on reste dans la continuité de ce qui a intelligemment précédé, à savoir développer la richesse de ce monde dont chaque ressort posé auparavant se trouve alors développé et explicité plus profondément afin de le décortiquer dans son intrigue. J'ai parlé plus tôt d'un cycle à base d'examen de magie ? Sachez sur les tomes 13 et 14 (et donc le prochain tome à venir, le 15), que ce monde de magie est régi par des lois et des contre-lois. Qu'un empire dispose de mage n'empêche nullement le royaume d'à côté de se constituer une milice privée bâtie sur un ensemble de sous-mages (aussi efficaces qu'ils ne le seraient à plusieurs face à un ou deux mages validés par l'académie) qui va fonctionner comme une sorte de police secrète. On ajoute à cela que le tome précédent a mis en place une intrigue basée sur "les guerriers de l'ombre", à savoir une caste de guerriers agissant tout à la fois comme des espions ou ninjas avec les mêmes dispositions que le seraient des tueurs privés. Et je souligne qu'on reste dans un univers d'héroïc fantasy apparenté quelque part de loin à notre XIXe siècle (on sait que les photographies existent comme on l'a vu au tome 4 mais elles sont rares, dans un monde qui peut tout créer par la magie on se doute que l'intérêt est ailleurs). C'est dire toute la richesse de cette saga qui n'en finit plus également d'être soignée dans son écriture.
Bref un 14e tome que je vous recommande chaudement.