Pour quelques yens de plus, le bon Tôru, non content d'avoir déjà enterré la licence qui l'a fait connaître à l'internationale, s'adonne cette fois à une exhumation de rigueur pour mieux violer le cadavre de la bête. Pour ce qu'il en reste, on va quand même pas en faire une histoire ? Eh bien si. On va même en faire une critique.


Une suite, en fallait-il une lorsque l'on sait comment se terminait GTO ? Le principe de la continuité, fatalement, ôte tout enjeu à une fin précédemment rédigée, qui, alors, devient nécessairement obsolète et sans intérêt. Or, la fin de GTO n'avait pas été commandée à l'époque par un manque d'engouement des lecteurs et ce, bien que les derniers arcs aient pourtant laissé à désirer. Il y avait une volonté de conclure et, rares, à ma connaissance, sont les mangas avec une pareille durée de parution à avoir réussi leur fin. GTO était un de ces miraculés des conclusions bancales ; c'était pensé, envisagé et ça s'achevait merveilleusement bien.
Malgré cela, Fujisawa a voulu rempiler. Pourquoi pas après tout, mais il faut alors être sacrément sûr de son coup quand on reprend un succès. Mieux vaut savoir retirer sa mise à temps.


Cela avait à peine commencé et déjà, je pouvais décréter qu'à l'école comme en prison, Onizuka règle ses problèmes comme il l'a toujours fait. Si, d'aventure, vous aviez oublié qu'il était cinquième dan de karaté, vous vous en souviendrez. L'auteur y met un point d'honneur.


Onizuka est à peine de retour - sans que l'on n'évoque plus jamais son traumatisme crânien - et la 3e4 se veut déjà emportée dans la chasse d'eau. La tabula rasa d'un trait de plume en guise d'introduction, il n'y a rien de tel pour se mettre ses lecteurs dans la poche. Nous, ce qu'on adore, c'est que l'on oublie tout de l'œuvre qui nous a justement fait nous intéresser à son auteur. Ses personnages, son ton, son humour... tout ça, on n'en veut pas. On veut une œuvre nouvelle, aseptisée, d'où l'absence de passion transparaisse de page en page. L'exultation, à la lecture, ne s'envisage que dans ces conditions.


Voilà donc qu'arrive la classe G. Tout un programme. Un qui ne sera évidemment pas scolaire. Le genre de programme qu'on jette à la poubelle avant même de l'avoir lu. Rien que le faciès des bestiaux intime à la réserve, à la prudence... à la non-lecture.
Une classe avec des Idols. C'est pas comme si on avait déjà eu droit à une incursion avec Tomoko. Mais il fallait faire dans la surenchère. Ça ne pouvait pas être une nouvelle classe avec une autre dynamique. Non, il fallait que ce soit un plan extravagant. Et pour quoi ? Pour finir par refaire les mêmes choses qu'avant. En moins bien, et en plus spectaculaire donc, en plus invraisemblable.


Tout ça pour que madame la principale puisse connaître l'origine de la tentative de suicide de sa petite-fille. Moi, si j'avais des sous à foutre en l'air, je les glisserais plus volontiers dans la poche d'un détective privé. Mais c'est vrai qu'un prof délinquent et peroxydé (circonstance aggravante à mes yeux), c'est encore la solution à tous les problèmes. Tous sauf un : l'écriture de Paradise Lost.


On aura droit à des substituts de chaque personnage que ceux que l'on a connu du temps de GTO. Un ersatz de Fuyutsuki que Onizuka sauve encore dans un bus au moment de faire sa rencontre. Ça se voit quand même qu'il n'a plus d'idées le père Fujisawa. Mais à quoi bon avoir des idées puisqu'il a un public pour le conforter dans ses errements. Qu'il persiste à divaguer, il se trouvera apparemment toujours un lectorat fidèle pour l'encourager à pagayer le long de rivière Niagara. Car mine de rien, Paradise Lost, ça continue depuis 2014. Ce qui, franchement, est admirable en ce sens où l'auteur n'a pas eu une idée nouvelle depuis le début de l'écriture.


Et dire que j'ai osé insister sur l'antipathie que me suggéraient les merdeux de Shônan 14 Days. Je leur devrais presque une excuse tant les élèves ici sont confondants d'inanité.
Je connais le schéma par avance vous savez. Au point de le lire les yeux fermés même. Au départ, ils sont arrogants ces sales gosses. Et puis après, ils dévoilent une blessure secrète en baissant leur garde devant les gags d'Onizuka et là... oh ! Que vois-je ?! Des Yakuza/Loubards/Personnages véreux ?! Pif, Paf, Pouf ! Un peu de karaté pédagogique dans la mâchoire et ça y'est, Onizuka a fait jouer sa psychologie éducative. Un nouvel élève lui fait maintenant une confiance aveugle. Une sorte de méthode Dolto librement réinterprétée en somme.


Pour Fujisawa, la pédagogie, c'est une quête de MMORPG. On tabasse X PNJ et au moment de rendre la quête, on obtient le cœur d'un élève insipide. Et ainsi se poursuit la parodie de GTO ; ce manga qui, avant de montrer ses limites, avait au moins su présenter ses mérites.


Première manigance des élèves de la classe G ? Faire chanter Onizuka avec des photos de lui à poil. Là encore, ça ne rappellera rien à personne. De l'inédit, de l'incongru...
Nom de... des plagiats j'en ai vu, mais des plagiats ratés qu'un auteur aura puisé dans son propre répertoire, j'avoue, c'est une première.


On retrouve même un piètre avatar de Yoshikawa pour lui servir de premier allié en haut du toit de l'école. GTO Paradise Lost, c'est un hommage du vice à la vertu. Mais la vertu se suffisait pourtant à elle-même, aussi pourquoi susciter le vice ? Ah oui, c'est vrai. Les sous. GTO Paradise Lost, j'oubliais, est aussi un de ces mangas qui se lit entre les lignes du compte bancaire de son auteur.
Tetsuya reprend le rôle de Miyabi.... non, vraiment, Paradise Lost, c'est une adaptation Netflix de GTO, le progressisme en moins. Il nous aura au moins épargné ça le père Fujisawa.


Vous vous souvenez quand, à la fin de GTO, les traumatismes crâniens d'Onizuka étaient devenus un enjeu très graves ? Assez pour justement conditionner la fin du manga. Fujisawa, lui, il a oublié. En atteste les coups répétés que recevra Onizuka, sans jamais que cela n'ait la moindre incidence sur son état de santé. Un traumatisme crânien, c'est comme une grippe. Une fois qu'on en a eu un, on est immunisé.


Les jeunes présentés dans la classe G sont d'autant plus grotesques qu'improbables. Même pas dix chapitres dans la vue qu'on en est à tabasser des punks avec un panneau de signalisation et à poignarder Onizuka en pleine rue. Celui-ci ayant paré la lame avec des magazines sous ses vêtements.
Oui, l'ambiance a comme des airs de Rue Barbare. Sauf que là, c'est avec une fan collégienne sobrement surnommée Sadako.


Ceux pour qui la subtilité est un complément intellectuel vital se devraient de renoncer à Paradise Lost pour des raisons de santé.


Entre nous, les lecteurs de Shônan Junaï Gumi et GTO et, a fortiori, son auteur, devraient savoir que jamais Saejima ne viendrait en aide à Onizuka. Pas à moins d'y être contraint. Et là, on le retrouve plus serviable que Saint Vincent de Paul. Fujisawa a tout oublié de ce qu'il a jadis écrit. Tout. Et il s'emploie à nous en faire la navrante démonstration avec Paradise Lost à chaque nouveau chapitre qui passe.


Au passage, les interludes en prison n'ont strictement aucun intérêt en ce sens où tout le monde sait qu'Onizuka n'y fera pas de vieux os. Le scénario est écrit d'avance d'une main tremblante. C'est le manque d'argent, vous comprenez.


Mais l'esprit GTO (qu'on devrait ici rebaptiser «GTFO» pour être plus précis), n'a pas été oublié. Il a simplement été renié jusqu'au dernier principe.
Le premier aparté autour d'Uchiyamada et sa fille, pour illustrer cette réalité, est simplement sordide. En plus du recours à la nudité inutilement excessif, on aborde un sujet dramatique avec légèreté et, en guise de conclusion une phrase lapidaire et lâchée comme un soupir blasé : «Les tourments d'un père n'en finissent jamais».
GTO savait autrefois être graveleux sans être vulgaire et aborder des sujets de société en apportant une solution. Celle-ci pouvait être parfois un peu naïve, mais elle était bien là. Maintenant, Fujisawa prend ça plus à la légère que jamais et botte en touche. «C'est ainsi et voilà» pourrait-on lire entre les lignes. Sans le savoir, Fujisawa est devenu la figure adulte cynique et je-m'en-foutiste que se sera employé à combattre son personnage principal durant plus de vingt ans. Soit on meurt assez tôt pour être le héros, soit....


Ce portrait brossé, la formule sera toujours la même, de la prostitution estudiantine présentée sous diverses formes, le chevalier blanc qui survient à moto et tout est réglé. C'est d'un convenu, c'est d'un con véreux même : son auteur. La seule nouveauté tient au fait que le lecteur aura droit à des poitrines d'élèves de 16 ans dispensées à pleines pages et sans aucune censure. Si ça pouvait permettre au manga de ne jamais être édité en France... si ça pouvait...
Et puis entre nous, narrer des histoires impliquant fréquemment des poitrines de jeunes filles dénudées à des repris de justice comme le fait Onizuka.... non, c'est pas une chose à faire.


Et quand vient le moment d'évoquer un personnage issu des folles et heureuses années de Shônan Junaï Gumi, c'est pour nous présenter Kagemura Tendo, un personnage introduit à titre rétroactif et non pas un préexistant. Fujisawa a l'occasion de ramener un personnage aimé des fans, tiré qui plus est depuis une période bénie des aventures d'Onizuka, eh bien non, l'auteur créé un personnage sans intérêt tout droit sorti d'un flashback pondu ex nihilo.
C'est pas juste du je-m'en-foutisme à ce stade, c'est de la provocation. L'auteur veut pisser sur ses fans par tous les moyens possibles et concevables. Je vois aucune autre manière d'interpréter ses évagations qui, alors, m'apparaissent simplement délibérées.


Pas besoin d'attendre que paraisse le dernier chapitre pour conclure sur ce qui s'est de toute manière terminé dès le premier. Ceux qui auront lu Shônan 14 Days devaient bien se douter de quoi il en retournait. Je corrobore les doutes en y apportant l'évidente confirmation : Paradise Lost est une foirade. Une foirade qui s'est conçue comme telle dès sa première page. L'auteur profane la sépulture de sa propre progéniture artistique pour se gaver des chairs putrides de la bête. Un charognard tient les pinceaux, ce qui alors explique les relents qui chatouilleront les sinus des lecteurs. Décevant ? Le mot est trop faible. C'est simplement déplorable. Déplorable et pourtant si prévisible.

J'ignore si GTO c'était mieux avant, je sais en revanche de source sûre qu'avant, GTO était GTO.

Josselin-B
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le 21 nov. 2021

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Josselin Bigaut

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