Hunter × Hunter — Le jardin infini du génie

Il existe des œuvres que l’on aime, et d’autres qui s’enracinent en nous comme une seconde nature. Hunter × Hunter appartient à cette élite rare : celles qui ne se contentent pas d’être lues, mais vécues.

C’est, sans détour, l’un des sommets de la fiction contemporaine, tous médias confondus — un monument de narration, de créativité et d’intelligence, façonné par la main d’un auteur qui pense et ressent à la vitesse de la lumière.


Lire Hunter × Hunter, c’est plonger dans une mer sans fond où chaque vague révèle un monde nouveau. L’œuvre évolue, mue, change de ton et de genre à chaque arc, sans jamais perdre sa cohérence. Du candide examen des Hunters à la tragédie métaphysique des fourmis chimères, en passant par la tension mafieuse de York Shin City ou l’étrangeté ludique de Greed Island, Togashi trace un chemin sinueux où chaque pas bouleverse les codes du shōnen, tout en leur rendant hommage.


Le génie de Yoshihiro Togashi tient à une chose simple : il ne suit jamais la tendance, il l’invente. Là où d’autres s’épuisent à étirer leurs intrigues, il condense dans 38 volumes plus d’idées, de personnages et de rebondissements que nombre de séries centenaires.

Certaines de ses intuitions, effleurées puis abandonnées, auraient suffi à nourrir une carrière entière chez d’autres auteurs. Togashi, lui, crée sans filtre, porté par une imagination si vaste qu’elle semble parfois déborder de ses propres planches.


Et puis il y a les personnages — la véritable signature de Hunter × Hunter.

Même les silhouettes de passage y deviennent inoubliables. D’un trait, d’une réplique, Togashi leur insuffle une densité existentielle rare.

Le quatuor principal — Gon, Kirua, Kurapika, Leolio — incarne à lui seul tout le spectre du récit initiatique : l’enfance, la dualité, la vengeance, la maturité. Ce sont des archétypes devenus humains, des symboles devenus chair.

Mais c’est sans doute dans ses satellites que l’œuvre touche au divin : Hisoka, clown libertin et prédateur, est un funambule du désir et de la mort, un Joker psychanalytique d’une cohérence terrifiante. Quant à la Brigade Fantôme, elle redéfinit ce qu’un groupe d’antagonistes peut être : à la fois monstrueux, tragiques, fraternels. Chacun de ses membres pourrait porter une série entière — et pourtant, aucun ne prend le pas sur l’ensemble.


Parmi mes préférés, je rends un hommage particulier à Netero et Feitan.

Ce qui me sidère, c’est la parcimonie de leur présence : si l’on rassemblait toutes leurs apparitions, Netero ne couvrirait guère plus d’un demi-tome, et Feitan, à peine une trentaine de pages. Et pourtant, ils m’habitent.

Netero, président ascète et rieur, condense en quelques scènes une éthique du combat et une verticalité spirituelle que bien des héros peinent à atteindre en des dizaines de volumes.

Feitan, lame froide de l’Araignée, impose en quelques cases une grâce cruelle, une menace stylée qui se grave dans la mémoire comme un pictogramme.

Je me souviens d’eux plus sûrement que de tant de protagonistes d’autres séries dont j’ai déjà oublié le nom. C’est cela, la magie de Togashi : faire de la brève apparition un mythe.


À ce panthéon s’ajoute l’un des systèmes de pouvoir les plus ingénieux jamais conçus : le Nen. Véritable architecture conceptuelle, il allie rigueur logique et liberté créative.

Ici, pas de surenchère ni de course à la puissance : le plus fort n’est pas celui qui frappe le plus fort, mais celui qui comprend, anticipe, compose.

Chaque affrontement devient un duel d’esprit, un puzzle de stratégies et de volontés. Le Nen n’est pas qu’un pouvoir : c’est une philosophie, une manière d’habiter le monde.


Hunter × Hunter est un jardin d’enfant de l’imaginaire.

On y explore des ruines, des marchés, des continents, des âmes. Chaque arc renouvelle le ton, les enjeux, le genre même du récit — aventure, horreur, politique, introspection, absurde.

Rares sont les œuvres capables de surprendre leur lecteur après vingt ans d’existence ; celle-ci le fait à chaque page.


Quant au dessin de Togashi, souvent injustement décrié, il est à l’image de son auteur : instinctif, vivant, sincère. Son trait épouse la tension, son découpage épouse la pensée. Il peut sembler inégal, mais jamais maladroit : il exprime la priorité absolue donnée à la mise en scène, au rythme, à la lisibilité.

Chaque silence, chaque regard, chaque page blanche est pesée, calculée, ressentie. Peu de mangakas ont su raconter autant avec si peu.


Et que dire de ses adaptations animées ?

La version de 1999, avec sa noirceur feutrée, capte à merveille la mélancolie de l’œuvre. Celle de 2011, plus lumineuse et accessible, prolonge son souffle avec justesse. Les deux se complètent, comme deux reflets d’un même cristal.


Togashi est un auteur total. Un architecte d’univers, un sculpteur de concepts, un dramaturge du cœur humain. Il a fait du shōnen un laboratoire de philosophie et d’émotion.

Chaque chapitre témoigne d’une patience d’orfèvre, d’une exigence quasi mystique. Son œuvre est à la fois divertissement et transcendance — un jeu d’enfant devenu métaphysique.


Je pourrais vivre sans beaucoup de choses, mais pas sans Hunter × Hunter.

Cette œuvre m’a appris la curiosité, la loyauté, la lucidité. Elle m’a offert des personnages que je n’oublierai jamais, des idées que j’aimerais avoir eues, et des émotions que je n’ai retrouvées nulle part ailleurs.


J'aime profondément Hunter X Hunter


Merci à Yoshihiro Togashi.


Merci pour ses pages, ses silences, ses absences, et tout ce qu’il a su faire tenir entre deux cases : l’infini.

GauthierDuong_van_Da
10

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Créée

le 11 oct. 2025

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