Jirô Matsumoto est de cette trempe d’auteur à qui il ne faut confier le volant qu’à condition que le co-pilote soit assis sur le siège passager. Donnez-lui un crayon, il vous donnera des gribouillis infects et prétentieux ; donnez-lui une direction, et c’est de l’art sinon de l’or qu’il vous crachera depuis le pinceau, ce que nous aurons le temps d'analyser en détail avec une future critique de Ichigeki.

Pour la rédaction de Jigoku no Alice, on l’a trouvé bien seul dans l’habitacle, occupé qu’il était à rouler le trottoir.


Pour notre compte, ça sera rien qu’un contexte post-apocalyptique tendance Hokuto no Ken, avec même le « Tu es déjà mort » glissé en référence pataude et honteuse, histoire de nous la jouer pop culture. J’ai cru à une redite réchauffée – désert oblige – de Fire Punch. Que ce soit le lendemain d’apocalypse ou la déferlante de référence pop culture venue nous assaillir dès le premier chapitre, j’aurais juré entendre Samura ou Fujimoto lui susurrer leur prose juvénile pour qu’il s’en fit le chroniqueur. Mais monsieur Matsumoto n’a pas au moins cette excuse, ayant pris toutes les initiatives le temps de sa rédaction.


« Eh oh, toi qui te seras pâmé devant Desert Punk à genoux et les mains jointes, la charité, va falloir arrêter de s’en foutre »


C’est vrai qu’on croirait le retrouver, notre bon désert du Kantô. On a un mercenaire du désert, amoral à sa manière, qui commet ses missions sans se priver de faire pleuvoir les astuces sournoises. Seulement, t’auras beau mettre le chapeau de Jesse James et te l’enfoncer jusqu’aux arcades, ça fera jamais de toi ne serait-ce qu'un ersatz Jesse James.

Shuu n’est pas immature de par son caractère, mais l’écriture de son démiurge. C’est un garnement stupide qui n’a pas la subtilité et la minutie de son développement pour le rendre crédible ou même vaguement aimable. Il est une caricature arrogante et trop sûr de lui de l’anti-héros moderne et poseur à la sauce Tatsuki Fujimoto. Une sauce qui vous ruine un plat, quelle que soit la recette employée tant tout s’affirme ensuite comme un déballage informe de violence immature.


La présentation des personnages, d’un point de vue narratif déjà, est un désastre de malhabileté, tout y est forcé plus que de rigueur au point où ne croit pas une seule des lignes de dialogue qu’on nous fait ici parvenir.

Vous avez donc « Ado Badass Et Rusé Trop Edgy » comme personnage principal – nous le nommeront « Aberte » pour l’acronyme – suivi de près de sa « Poupée Apathique Pour Otakus Sans Imaginations », soit « Paposi » et « Greluche Explicative Sans Caractère Avec Nibards et Lunettes », ce qui nous fait « Gescan », sans naturellement oublier Phac pour la « Pétasse Hystérique À Couettes ». Leurs vrais noms ? À quoi bon, ils n’ont aucun caractère savamment travaillé, alors c’est donner des perles aux porcs que de s’embarrasser à leur attribuer un patronyme à chacun tant ils sont mal écrits et ne font office que de fonction dans la trame.


Je vous fais grâce de la cohorte de PNJ-Taverne bêtes et méchants qui cherchent la querelle pour la finalité de ce faire. Un peu de mise en abîme s’impose si on souhaite consolider le contexte. Ce monde qu’est le leur est un monde dangereux où tout le monde où presque est potentiellement armé. Tenez compte de cette information et répondez à la question suivante  :


« Iriez-vous emmerder quelqu’un gratuitement en sachant qu’il a peut-être une arme-à-feu sur lui et aucune loi pour l’empêcher d’en faire usage ? »


On appelle ça le dilemme Texan. Répondre à cette question, c’est combler les infinies carences, ces failles béantes grandes et larges comme un canyon et qu’on appelle ici l’intrigue. Le crayon dispense ici son encre sans chercher à définir le propos où le sens de ce qu’il rapporte, encore moins son organisation ou sa cohérence.


Du peu qu’il se passe et qui nous lasse, aucune intrigue, véritablement, ne prend ne serait-ce la peine de s’ébaucher. Des tentatives, oui, comme des bulles qui remontent à la surface, commencent à gonfler, mais explosent aussitôt afin de laisser place à une autre qui viendrait derrière.

Les scènes d’action et de guerre, l’exploitation de la violence dans l’œuvre, rien de tout ça n’a de prise sur le lecteur  ; tout y est désespérément chiant et convenu, mais faussement « déglingo » pour espérer se singulariser. Y’a rien de nouveau et, du peu d’ancien qu’on a dans le tas, c’est pas dans le meilleur que Matsumoto a pioché. Alors on s’ennuie à la lecture sans même un soupçon d’étincelle pour nous distraire le regard de tout ce fatras mal branlé qu’on aura cherché à nous présenter comme une histoire, à condition qu’on prit seulement la peine de l’écrire.


Le contexte n’est pas développé pour un sou. Ce ne serait pas faire œuvre de charité à l’endroit de Jigoku no Alice que de seulement le comparer à des mangas investis eux aussi dans le post-apocalyptique comme peuvent l’être Desert Punk ou encore A Journey Beyond Heaven ; là où on prend la peine de construire, d’élaborer et de dévoiler progressivement un monde entier qu’on se plaît à découvrir. Avec le présent manga, vous saurez déjà tout de son univers avant même d’en avoir lu le synopsis. Et le dernier chapitre se permet en plus le culot nous ramener au premier. Car quitte à ce qu’il ne se soit rien passé de marquant, autant en effet en revenir à la case départ pour y rester et ne rien y faire.


Suffit pas de quelques gains de sable, d’une arme à feu et de quelques maisons délabrées pour faire un Desert Punk. S’il fallait une preuve de ça, outre la critique que je fis de l’œuvre, celle que j’écris présentement, je crois, convaincra les derniers sceptiques en comparant deux œuvres aux mêmes attraits, mais dont l’une est à peine esquissée sur la surface quand l’autre, elle, recouvre des profondeurs infinies.

Josselin-B
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Josselin Bigaut

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