Kingdom Come
7.8
Kingdom Come

Comics de Mark Waid et Alex Ross (1996)

Publiée initialement en 1996, Kingdom Come s’impose aujourd’hui comme l’une des œuvres les plus marquantes et les plus ambitieuses de l’histoire de la bande dessinée américaine. Fruit de la collaboration entre le scénariste Mark Waid et l’illustrateur Alex Ross, ce roman graphique constitue à la fois une ode crépusculaire aux super-héros classiques et une méditation profonde sur le pouvoir, la responsabilité et le legs moral.


L’intrigue se déploie dans un futur proche où les figures emblématiques de l’univers DC – Superman, Batman, Wonder Woman – ont cédé la place à une nouvelle génération de métahumains, plus violents, plus nihilistes, et moins soucieux des principes fondateurs de la justice. Retiré du monde depuis une décennie, Superman est rappelé à l’ordre par une humanité en proie au chaos. Ce retour en scène, loin de rétablir un équilibre, précipite un conflit idéologique entre l’ordre ancien et les forces d’une modernité brutale, où la frontière entre le héros et le tyran s’efface dangereusement.


Le récit, structuré avec une rigueur quasi biblique, est porté par la narration d’un pasteur vieillissant, Norman McCay, témoin impuissant d’une prophétie apocalyptique. Ce prisme narratif confère à Kingdom Come une dimension théologique rare dans le genre super-héroïque, élevant les protagonistes au rang de divinités déchues, aux prises avec leur propre démesure.


Mais c’est sans doute l’illustration d’Alex Ross qui confère à l’ouvrage sa puissance visuelle inégalée. Peintes à la gouache, ses planches offrent un réalisme saisissant, baigné d’un clair-obscur presque caravagesque. Chaque case devient une fresque solennelle, chaque posture, chaque regard, une expression de la tragédie en cours. L’artiste, en faisant appel à des modèles vivants, confère aux personnages une densité humaine rarement atteinte dans le médium.


Kingdom Come se distingue également par sa richesse symbolique et sa portée métaphorique. Le récit interroge, en filigrane, la crise de légitimité que traverse toute autorité face aux mutations d’une société en perte de repères. Faut-il s’accrocher aux valeurs fondatrices, quitte à sembler dépassé, ou faut-il s’adapter, quitte à trahir l’éthique originelle ? Cette tension, incarnée notamment dans l’opposition entre Superman et Batman, transcende le simple affrontement physique pour devenir un véritable dialogue philosophique.


Œuvre dense, grave et magistrale, Kingdom Come dépasse le cadre de la bande dessinée pour s’imposer comme une réflexion puissante sur notre époque. En conjuguant l’érudition scénaristique de Waid à la majesté picturale de Ross, ce récit apocalyptique devient une fresque mythologique moderne, d’une résonance troublante.


Un chef-d’œuvre intemporel, où l’éclat des dieux masqués révèle la fragilité de l’idéal humain.

Kelemvor
10
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Créée

le 8 nov. 2012

Modifiée

le 18 juil. 2025

Critique lue 410 fois

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Kelemvor

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