Bring out your dead!

Si l'album précédent péchait par excès de science fiction, celui-ci pèche par excès de fantastique.
Itoh Kata y passe d'illusionniste doué à véritable magicien capable de dématérialiser des trucs pour de vrai; on y trouve aussi un véritable télépathe avec des pouvoirs de domination mentale en sus; un type capable de faire léviter tout ce qu'il veut pour de bon; et bien sûr l'Ankou, cette figure légendaire de la mythologie bretonne.
Cette déferlante de fantastique permet deux choses: l'une, plutôt bonne, c'est de créer une ambiance absolument formidable tout au long de l'album; l'autre, plutôt mauvaise, c'est d'enchainer les deus ex machina à un rythme que je ne pensais pas possible dans un album de cette taille.

L'intrigue de l'album est très bonne, c'est sa résolution à coup de "ta gueule c'est magique" qui ne l'est pas.
Par contre, c'est probablement un des albums les plus poétiques de la série. De nombreuses cases sont marquantes, particulièrement la dernière. L'ambiance fantastique distillant une angoisse à un niveau existentiel y est merveilleusement travaillée à travers le choix des couleurs, des cadrages et du rythme.
Fournier y laisse aussi libre cours à sa fibre écologiste, ainsi qu'à sa capacité à l'humour noir via le merveilleux personnage qu'est l'Ankou, dans un album au sous-texte assez politique qui critique ouvertement le nucléaire, ce qui ne lui apportera pas que des amis au sein de le la maison d'édition Dupuis où il écopera à sa suite d'une réputation de sale gauchiste, ce qui entrainera probablement sa mise à l'écart de la série dans le futur.

Un album aux énormes qualités, malheureusement un peu gâché par de trop nombreuses facilités scénaristiques à coups de "wooo, tu comprends pas, c'est magique". L'Ankou reste l'album emblématique de la période Fournier et sans doute le meilleur album de la série dessiné par l'auteur derrière Tora Torapa.