La Turbotraction et le rhinocéros

La Corne de rhinocéros, qui au départ devait se nommer (et a même été présenté sous ce nom dans le page du beau journal de Spirou)  Spirou et la turbotraction, marque encore une évolution du dessin de Franquin qui se fait plus rond, et commence à fourmiller de détails. Spirou et Fantasio acquièrent leurs traits définitifs, et Franquin par la suite n'y ajoutera plus que de légères retouches.  Plusieurs scènes sont diablement réussies d'un point de vue graphique, comme l'infiltration du grand magasin en fantacoptère ou les scènes dans la savane africaine.

Dans le registre des choses sympathiques qu'on trouve dans cet album, il y a également le retour de Roullebille, de Martin, et de la firme Turbot qu'on avait rencontré pour la première fois dans Spirou et les héritiers.
D'album en album, l'univers dans lequel évolue Spirou et Fantasio devient plus cohérent , plus consistant, plus dynamique et vivant, grâce aux emprunts et renvois à des éléments ou personnages secondaires  provenant d'autres albums.
Enfin, l'introduction de Secotine, jeune femme journaliste au caractère bien trempé et à la roublardise proverbiale, dont la rivalité avec Fantasio est source de bien des éclats de rire, est un élément très réussi du récit. Franquin, jeune marié à l'époque, décide sans doute sciemment d'encrer (huhuhu) Secotine dans la modernité en faisant d'elle un personnage féminin secondaire fort qui ne correspond pas aux clichés représentant les femmes dans la BD de l'époque.

Franquin se laisse aller à sa passion pour la mécanique, et particulièrement l'automobile en dessinant avec le brio qu'on lui connaît la fameuse turbotraction. 
Cette fascination pour la bagnole lui passera (et comme souvent il en parlera en interview en oubliant pas de se blâmer un max) à cause de la mauvaise conscience écolo de Franquin qui finira par le rattraper lorsqu'il constatera que les merveilles mécaniques ont engendré des routes de goudrons recouvrant le paysage et l'empoisonnement de l'air à coup de plomb et de CO2.

Pour le reste, il faut bien avouer que le scénario, à la fois tentative d'enquête policière et récit d'espionnage industriel mêlés à une course autour du monde n'est pas particulièrement palpitant.
L'album reste un assemblage de plusieurs parties qui manquent un peu de liant entre elles.
Le titre de l'album vient d'ailleurs uniquement de sa troisième partie se déroulant dans la savane africaine.

C'est ce côté un peu décousu qui fait de La Corne de rhinocéros une des aventures de Spirou et Fantasio les moins réussie de l'ère Franquin, malgré l'évolution du dessin de ce brave André et les éléments sympathiques dont j'ai fait mention ci-dessus.

Mais moins réussi chez Franquin, ça veut dire que vous avez tout de même largement de quoi passer un bon moment en compagnie des deux compères et de leur écureuil Spip sans regretter une seconde le temps que vous y avez consacré.