Ce sera probablement le seul Shojo que je lirai de ma vie, alors autant en faire la critique.
La Révolution est l'un des événements les plus controversés de notre histoire. Fondement essentiel pour les uns, faux départ sanglant pour les autres, tragédie génocidaire pour les consanguins, les causes et conséquences de la révolution font encore parler ceux qui s'y intéressent. Mais une question reste sans réponse : la révolution était elle... Bishonen ?
Evidemment, nous dit le Japon. Seriez vous intéressé par un body-pillow de Saint-Just ?


On connait la chanson : l'Europe fascine autant les japonais que le Japon fascine les européens. Les deux cultures se fantasment l'une l'autre de façon éhontée et un peu ridicule, mais au final assez attendrissante. Les résultats culturels sont à l'avenant.
Et celui-ci est particulièrement intéressant. Vaste récit choral centré sur les dernières années de la monarchie et le début de la révolution, le manga pose sur la trame historique un méli-mélo de romances, au centre desquels Oscar de Jarjayes, le fameux Lady Oscar, qui éclipse vite les deux autres protagonistes supposés, Marie-antoinette et Axel Fersen. Vous vous en doutez, le concept d'une femme assumant un rôle d'homme ne va pas aller sans fantasmes bizarres pour les personnages et l'auteur, qui semble parfois hésiter à transformer son histoire en yaoi tordu ou en ode lesbienne. Il ne perd cependant pas le cap, et l'on se retrouve plutôt à suivre une série d'intrigues politiques et amoureuses, où s'étend peu à peu l'ombre de la révolution.
Et l'auteur... Disons qu'il n'a pas peur de s'engager. Peut-être est-ce pour se faire pardonner l'attrait des fanfreluches de Versailles, mais l'oeuvre est sérieusement du côté des révolutionnaires. Sans les absoudre de tout défauts, elle les montre justifiés, idéalistes, sexys, plutôt sympas au fond. Une position d'autant plus surprenante que la majeure partie du manga se passe chez les nobles et nous montre leur point de vue. Marie-Antoinette a beau être la deutéragoniste, aucun des ses défauts n'est poussé sous le tapis (sans entrer dans la diabolisation non plus). La monarchie et le système de corruption, de parasitisme et d'inégalité qu'elle engendre sont également directement épinglés. Un parti-pris que n'approuverait probablement pas Stéphane Berne, mais qui est bizarrement rafraîchissant.
Mais tout ça ne vaudrait pas grand chose sans un scénario de haute volée. Et là encore, pour un manga dont l'objectif premier est de montrer des androgynes séduire des princesses disney, c'est plaisamment touffu. Il y a du complot, du développement de personnages, de l'action, du suspense, du drama, rien de bien surprenant, mais tout est suffisamment bien fait pour qu'on ne lâche pas le livre. Le tout monte en puissance jusqu'à ce que la colère populaire explose et mette à bas la suprématie royale.
Alors, si vous êtes assez confiants en vos airs de gros durs pour lire quelque chose d'aussi outrageusement rose bonbon, je ne peux que vous le recommander. Il y a assez de talent pour faire une bonne histoire, et assez de bizarreries pour séduire le sarcastique qui dort en nous. Et l'on ne trouvera nulle part ailleurs un Robespierre beau gosse !

Kevan
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le 8 avr. 2020

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Kevan

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