J’aimais, j’aime toujours : Shin Angyo Onshi n’a certes plus ce fameux éclat d’antan, son dénouement marquant embelli par le passage du temps, mais nul doute qu’il y a plus que résisté. Si nous pourrions nous enorgueillir du statut relativement confidentiel de l’œuvre, il faut surtout rendre hommage à ce seinen discret, doté d’une plastique irréprochable et, paradoxalement, emblématique du genre du fantastique.


Toute proportion gardée, sa relecture suscite d’ailleurs quelques parallèles notables : avec Berserk et leurs anti-héros respectifs, mais aussi une empreinte « dark fantasy » déformant l’Europe médiévale pour l’un et le Japon de l’ère Meiji pour l’autre ; mais aussi avec La Tour Sombre, tous deux lorgnant (à divers degrés) du côté du post-apo et la déchéance des civilisations. Sacrilège dirons certains, et il faut bien convenir que Shin Angyo Onshi n’est pas du même acabit que de tels mastodontes.


Malgré tout, la quête de Mun-su est bel et bien passionnante, ceci via deux primes : d’abord celui historique et mythologique, le scénariste Youn In-wan empruntant à de multiples folklores asiatiques (Corée, Chine et Japon pour l’essentiel), ensuite pour son usage du surnaturel au service d’une intrigue bien rôdée. Se concluant à ce titre en dix-sept petits volumes, l’auteur sera parvenu à séquencer son manga de manière à monter peu à peu en pression : de fait, les premiers tomes ne s’épanchent guère sur le véritable fil rouge, privilégiant une succession d’épisodes plus ou moins déconnectés les uns des autres.


Mettant alors l’emphase sur des revisites de contes, légendes et icones étrangères du lecteur européen, les prémices de Shin Angyo Onshi jonglent habilement entre teneur mélancolique, humour léger et atmosphère grave : le rendu frise parfois le délicieux, le style léché et maîtrisé de Yang Kyung-Il sublimant le tout avec force grâce. Puis, voici que la machine s’enclenche pour de bon : les bases de l’univers sont posées, le nom du mystérieux Ajite va agiter jusqu’au terme des hostilités le manga dans ses moindres recoins.


C’est avec un certain sens du dramatique, doublé parfois d’une ironie cruelle, que le scénario prend ainsi son envol : cela ne sera pas sans accrocs, le fantastique croissant ayant cette fâcheuse tendance à occulter, de par son exagération sporadique, la crédibilité de l’ensemble. De même, quelques sous-intrigues ne brillent pas d’une réelle utilité, ou pâtissent à tout le moins d’un traitement étrange (Marlène) ; nous pouvons aussi pointer du doigt cette vilaine tendance qu’à Shin Angyo Onshi à appliquer un voile artificiel sur ses fondations, les divers protagonistes se gardant bien de révéler l’utile trop tôt… sans oublier ses accès philosophiques trop nombreux.


Cependant, le charisme de Mun-su, la gestion habile de son flash-back (bien que lui-même assujetti aux faiblesses susmentionnées) et ce fameux tomber de rideau en fanfare parachèvent les solides prétentions du manga : n’en déplaise à la compression apparente de son dernier acte, ressenti découlant en grande partie de la profusion de figures tierces, Shin Angyo Onshi se conclut plutôt bien. Un tomber de rideau à la hauteur de ses prétentions en somme… et félicitons-nous qu’il n’ait pas succombé aux sirènes du fan-service (le chara-design de Chun-Hyang, osé au demeurant, ne sera pas surexploité malhabilement).

NiERONiMO
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le 1 juin 2021

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