L’homme (trop) pressé

Heureux temps que celui des fiançailles, l’heure des questionnements enamourés et des serments fiévreux.
- Ma chérie, quelle est ta bande dessinée préférée ?
- (Sans hésitation) Le testament de M. Pump.
- (Surpris) Ah. Vraiment ?
- Oui.
Ma sidération doit l’inquiéter, le silence perdure. Je tente une pitoyable sortie.
- Super, et sinon, peux-tu me citer un autre titre ?
- Je ne sais pas.
- Tu n’as pas une idée ?
- Si (je la sens soulagée), j’aime beaucoup Quick et Flupke !
Jamais, nous n’avons ré-abordé le sujet. Nos noces furent belles et notre alliance demeure sans (gros) nuage. Par chance, la vie conjugale n’exige pas de TOUT partager. Ma mie aime vraiment cet album, ce qui semble justifier sa présence dans cette sélection.

Jo, Zette et Jocko est une commande des très catholiques éditeurs de Cœur Vaillant, puis du Petit vingtième. Sa singularité tient dans son caractère familial. Jo et Zette sont de véritables enfants. Bien que débrouillards et audacieux, ils sont contraints de faire appel à leurs parents pour résoudre les difficultés outrepassant leurs possibilités. Leurs aventures accumulent invraisemblances et rebondissements. La pointe humoristique est confiée au singe Jocko qui, à l’image de Milou, pense et soliloque, mais ne communique qu’avec ses congénères. Le dessin ne surprendra pas les amateurs d’Hergé. Comme pour les premiers albums de Tintin, l’auteur retouchera les éditions originales et les colorisera afin de les publier dans Le journal de Tintin.

Le Testament est la première partie d’un diptyque, l’histoire se poursuivant dans Destination New York. Sir John Archibald Pump est un milliardaire américain excentrique passionné de vitesse qui perd la vie dans un accident de voiture. Par testament, il offre dix millions de dollars au constructeur qui parviendra à traverser l’Atlantique à plus de 1000 km/h dans l’année suivant son décès. La course est lancée. De fait, les médias des années trente vibrèrent aux tentatives, plus ou moins réussies, des amateurs de défis : du prix Deutsch-Archdeacon (premier kilomètre en circuit fermé, remporté par Henri Farman en 1904), au défi Daily mail (la traversée de la Manche réussie en 1908 par Louis Blériot), pour culminer dans la coupe Schneider (une compétition d’hydravions remportée définitivement par l’Angleterre en 1931 à près de 550 km/h). L’album est sympathique, mais souffre d’une bizarrerie : le meilleur est concentré dans les trois premières pages : la description du richissime Pump.

Le design du fameux S.A.F.C.A Stratonef H.22, conçu par le père de nos héros, est inspiré des avions de record de l’époque. Il évoque le Caudron C.460, l’appareil tricolore vainqueur de la Coupe Deutsch de la Meurthe, qui ne dépassait guère les 500 km/h. L’appareil d’Hergé est meilleur !

PS L’honnêteté intellectuelle me contraint à préciser que le mur du son sera franchi le 14 octobre 1947 par un prototype américain, le Bell X-1. Bien après notre Stratonef !