Pour la deuxième fois d'affilée, le scénariste John Ostrander, toujours assisté de Jan Duursema au dessin et de Brad Anderson aux couleurs, rend hommage à la trilogie de romans de Timothy Zahn qui avait sauvé Star Wars au début des années 90, longtemps après la sortie du dernier film et avant celle du prochain : Le Cycle de Thrawn, et notamment le deuxième livre La Bataille des Jedi dans lequel le personnage titulaire, grand-amiral impérial, souhaitait faire main basse sur la puissante flotte de cuirassés stellaires de la planète Rendili.


L'intrigue de base est ici la même, sauf que ce sont cette fois, on s'en doute, la République et la Confédération des Systèmes Indépendants qui sont intéressés par les grosses cylindrées rendiliennes. Le gouvernement de la planète s'est ralliée à la CSI mais, coup de chance, le commandant de la flotte n'est autre que Jace Dallin, le pilote balafré de Jedi tome 4 : La Guerre de Stark.


En vertu de leur amitié, maître Plo Koon vient négocier avec lui sur le vaisseau-amiral Mersel Kebir (plutôt bien vu, comme référence !)… et parvient à le convaincre de changer de camp. Ce qui n'est évidemment pas du goût de ses officiers, notamment son second, Mellor Yago. Yago arrête Dallin, Koon et le capitaine républicain Jan Dodonna (oui, le futur général barbu d'Un Nouvel Espoir) et prévient Saesee Tiin et Anakin Skywalker que les otages seront exécutés si la République intervient.


Tout cela en l'espace de trois planches. Un peu expéditif, si vous me demandez mon avis, mais soit, c'est une prémisse intéressante. Et Obi-Wan Kenobi, dans tout cela ? Il a reçu un signal de détresse du Titavian IV, vaisseau d'exploration de la Société zoologique intergalactique (lol) et décide d'enquêter. Hum, Obi, je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais la situation sur Rendili n'est-elle pas un tantinet plus urgente ? J'apprécie que tu te fasses du souci pour les animaux, mais à l'échelle de la galaxie, je pense qu'il serait intéressant que tu revois tes priorités…


Enfin, ce qui est fait est fait. Une fois dans l'épave à la dérive, Kenobi réalise que l'équipage a été massacré et que le signal émane de nul autre que son vieil ami Quinlan Vos. Celui-ci est en fuite depuis son échec sur Honohgr dans l'album précédent, qui lui a valu la colère du Comte Dooku, lequel a lâché ses chiens de chasse Asajj Ventress et Tol Skorr (une sombre brute déjà vue dans le tome 4) à ses trousses. Comme Aayla Secura, Obi-Wan est très incertain quant aux motivations et à la sincérité du renégat, mais les deux anciens camarades n'ont guère d'autre choix que de s'associer face à Ventress et Skorr, surtout lorsque la Rattattaki prend le contrôle mental d'un rancor, ce qui est assez cool, convenons-en – Ventress illumine cet album, comme toujours.


L'autre point fort des Cuirassés de Rendili, c'est bien entendu les retrouvailles entre Obi-Wan et Quinlan. Leurs interactions sont toujours un régal, surtout lorsqu'ils évoquent un souvenir de jeunesse d'abord assez amusant, puisque l'on y voit Kenobi, d'ordinaire réservé, se lâcher un peu en imitant maître Yoda avant de sauver son ami de la noyade. "Passer du côté obscur, c'est comme de se noyer à chaque instant" soupire un Vos que nous n'avons jamais vu dans une telle détresse, même lors des deux premiers Jedi. Réalisant que son ami de jeunesse est toujours là sous ses yeux, que Dooku n'a pas réussi à l'éradiquer, Obi-Wan choisit de lui faire confiance et lui tend la main.


Le reste n'est malheureusement pas ouf. Alors que nous avions affaire à un Quinlan Vos plus humble et vulnérable, donc plus intéressant, la confiance de Kenobi semble hélas le transformer soudainement en le surfeur rasta-jedi de l'épisode de The Clone Wars dans lequel il apparaîtra des années plus tard. Quin a toujours eu la langue bien acérée, surtout dans Rite de Passage, mais ce changement est si abrupt qu'il perd toute crédibilité. Je déteste la scène où il détruit gratuitement le chasseur d'Obi-Wan et son droïde, soi-disant pour couvrir ses arrières. Ostrander continue d'ailleurs d'essayer de nous faire croire que Vos est en train de rouler Kenobi, mais c'est très maladroit. Même les retrouvailles avec Ventress manquent de punch, rancor ou pas rancor. C'est business as usual. Encore plus gratuit : un caméo sans conséquences du général Grievous, pour sa première apparition dans un comics, mais malheureusement fort mal dessiné par Duursema.


Les deux jedi parviennent à s'échapper mais Saesee Tiin met Vos aux arrêts, tandis que la flotte de Mellor Yago attaque les croiseurs républicains avec le renfort de la CSI. Comme par hasard, Vos réussit à sortir de sa cellule, mais au lieu de jouer la fille de l'air, il se joint aux chasseurs républicains en train de mener la vie dure aux droïdes et rendiliens. Mieux encore, Obi-Wan et lui délivrent même Plo Koon, Jace Dallin et Jan Dodonna pendant que Tiin et Skywalker (qui accuse déjà les cheveux longs d'Épisode III) détruisent le vaisseau-mère de la CSI.


Je ne me suis d'ailleurs pas étendu sur le mal-nommé Yago… parce qu'il n'y a guère matière à, l'intéressé n'ayant pas un millionième de la complexité du rival d'Othello. C'est juste un hystérique au teint blafard, aux vilaines dents et aux cernes monumentaux sous les yeux, qui tue ses hommes sans raison avant de simplement se faire dégommer par Dallin. Je hais quand Ostrander et Duursema font preuve de ce genre de paresse, c'est indigne d'eux ! Il nous avait déjà fait le coup dans La Défense de Kamino avec Rhad Tarn, qui lui ressemble furieusement…


Les cuirassés de Rendili sont entre les mains de la République, mais les jedi doivent encore statufier du cas Quinlan Vos. En l'absence de Yoda, Oppo Rancisis est le membre senior du conseil – pour rappel, il s'agit de l'espèce de serpent-yéti que l'on peut apercevoir en arrière-plan dans les Épisodes I et II. Saesee Tiin est opposé à la réintégration de Vos, tandis que Mace Windu, Plo Koon, Ki-Adi-Mundi et Tholme sont ambivalents. Il revient donc à Obi-Wan de se faire l'avocat de son ami, ce qu'il fait avec brio. C'est une bonne scène, car l'on y retrouve le Quinlan repentant du début de l'album, tout en apprenant qu'il était jadis amoureux de Shylar, la jedi qu'il a laissée périr sous la torture de Dooku dans Lumière et Ténèbres, et que les jedi ne croient pas à cette histoire de deuxième Sith ayant infiltré les plus hautes sphères du sénat. L'éloquence de Kenobi fait le reste, et Rancisis décide de réintégrer le renégat.


Cette séquence serait même parfaite sans deux soucis majeurs : d'abord, le dessin de Duursema et surtout les couleurs d'Anderson accusent le coup ; les hologrammes sont particulièrement moches. Ensuite, le "procès" de Quinlan est intercalé avec un duel totalement débile entre Anakin et Ventress, dont le seul intérêt est d'expliquer la petite cicatrice sexy d'Hayden Christensen dans La Revanche des Sith – c'est plutôt sympa de se dire que la géniale chauve a une présence dans le film ! Mais du reste, l'existence de cet affrontement n'a ni queue ni tête, si ce n'est montrer qu'Anakin a beau être un chevalier à présent, il est plus borderline que jamais… sans blagues ?


Le récit se termine sur Ventress chutant vers les tréfonds de Coruscant – après leur duel sur Yavin IV dans la série animée, on pourrait penser qu'Anakin sait que ça ne suffit pas à se débarasser d'elle, mais non… – tandis que Quinlan Vos envoie un message à sa copine Khaleen via un amusante libellule holoprojectrice : "Dis au Comte Dooku que son plan fonctionne".


The end ? Pas tout à fait : Delcourt inaugure dans ce tome 7 de Clone Wars son habitude de meubler les albums ne rencontrant pas le quota des 100 pages – ce qui serait OK en soi si les courtes histoires ajoutées n'étaient pas aussi… bof. La seule valant quelque chose est la naissance du lien quasi-amoureux entre Aayla Secura et Kit Fisto sur Kamino. Et encore, fallait-il vraiment qu'Aayla, que l'on sait être une badass ultime, soit sauvée de la noyade par Fisto ? Est-elle vraiment incapable de s'en sortir sans le baiser aquatique du fougueux Nautolan ? Enfin, le dessin est plutôt plaisant et les couleurs impressionnantes, c'est déjà ça, j'imagine… les deux autres histoires sont vraiment sans intérêt : une padawan à fleur de peau qui se retrouve embarquée dans une mission foireuse et Anakin qui se fait voler son sabre-laser dans un harem – Delcourt a vraiment râclé les fonds de tiroirs, car non seulement cette histoire est nulle, mais elle ne se passe même pas durant la Guerre des Clones mais avant l’Épisode II !


Mais même en mettant ces trois récits de côté, Les Cuirassés de Rendili est probablement le plus faible album de Clone Wars. Il y a de bons éléments, notamment les échanges entre Obi-Wan et Quinlan ainsi que le procès du second, mais le scénario présente également quelques-unes des faiblesses de John Ostrander : une certaine paresse, un méchant catastrophique et un manque de conséquences dû à son refus de tuer certains personnages (n’était-ce pas l'occasion de se débarrasser de ce poids mort de Skorr ?). On voit qu'on s'approche de la fin et que les auteurs doivent accélérer leur processus pour coïncider avec la sortie imminente de Star Wars Épisode III : La Revanche des Sith. Cela sera encore plus évident et problématique sur les deux albums à suivre, mais dans le cas de ce tome 7 cela explique la plus faible qualité du travail de Duursema et Anderson ainsi que le manque de logique du duel entre Anakin et Ventress.

Szalinowski
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le 24 mai 2019

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