« Votre déménageur se ramassera une avoine ! » ARTHUR

Alexandre Astier, créateur, scénariste et interprète de Kaamelott, a toujours eu l’ambition de dépasser le simple cadre de la comédie de format court qui a fait connaître la série sur M6. Lors des premiers livres, et en particulier du Livre I, il rêvait déjà d’explorer des récits relevant davantage de la grande épopée d’heroic fantasy, avec des créatures fantastiques, des combats spectaculaires et une atmosphère épique. Malheureusement, les contraintes budgétaires inhérentes à un programme court ne lui permettaient pas d’inclure des dragons, des batailles massives ou d’autres éléments spectaculaires caractéristiques du genre. Sur le petit écran, il devait donc composer avec des moyens limités, mais sur papier, les contraintes disparaissent : le dessin ouvre la porte à toutes les extravagances, sans limite autre que l’imagination de l’auteur.

En novembre 2007, Kaamelott (Tome 2) : Les sièges de transport sort chez Casterman. Fidèle à son habitude, Alexandre Astier ne délègue pas l’écriture et signe lui-même le scénario, garantissant ainsi une continuité avec l’univers original de la série.

Ce deuxième tome met en avant deux personnages secondaires emblématiques : Perceval et Caradoc. L’idée de les placer au centre de l’histoire est séduisante, tant leur duo comique repose sur une mécanique bien huilée : l’absurde tranquille de Perceval face à la bêtise assumée de Caradoc. Leur mission paraît d’ailleurs épique : récupérer un tabouret magique tombé entre les mains de Vikings. Sur le papier, tout est réuni pour créer un récit original qui s’émancipe d’Arthur et des autres chevaliers. Pourtant, cette promesse est vite atténuée : si Perceval et Caradoc sont bien moteurs au début, l’intrigue les dépasse rapidement, et ils finissent par redevenir des figures périphériques.

En parallèle, nous suivons Arthur, qui, pour des raisons diverses, passe de pièce en pièce dans Kaamelott afin de trouver un espace convenable. Ces petites scènes respirent l’écriture d’Alexandre Astier : des dialogues qui sonnent juste, des situations absurdes ancrées dans le quotidien, et un humour reposant sur la lassitude et le pragmatisme du roi. Ces moments secondaires rappellent immédiatement la saveur des épisodes télévisés, et offrent une respiration bienvenue face à la quête de Perceval et Caradoc. Toutefois, ces apartés, aussi drôles soient-ils, accentuent le sentiment que l’intrigue principale n’assume pas pleinement son potentiel.

Un problème se pose : le running gag du déménagement d’Arthur et des sièges de transport n’a rien de nouveau. Il est directement repris de la série, et plus précisément de l’épisode Le Chaudron rutilant du Livre I. On peut comprendre qu’Astier ait voulu recycler un ressort comique efficace, mais dans un médium qui offre une liberté totale, ce choix sonne comme un manque d’audace. Pourquoi consacrer des planches entières à une blague que les spectateurs connaissent déjà, alors qu’il aurait été possible d’explorer des situations inédites, adaptées au format de la bande dessinée ?

Autre regret : contrairement au premier tome qui introduisait des éléments d’heroic fantasy (morts-vivants, nécromancie, menace surnaturelle), ce deuxième volume retombe dans une intrigue beaucoup plus terre-à-terre. Certes, l’idée d’un tabouret magique introduit une touche fantastique, mais celle-ci est réduite à peau de chagrin et sert surtout de prétexte au récit. Le souffle épique, qui faisait l’originalité du premier tome, disparaît presque totalement. On se retrouve davantage dans une prolongation d’épisodes télévisés que dans un projet de bande dessinée exploitant toutes ses possibilités.

Steven Dupré aux dessins, reste problématique. Ses personnages issus de la série souffrent encore d’un manque de ressemblance : on les reconnaît, mais sans jamais retrouver leur présence charismatique ou leurs mimiques si marquantes à l’écran. Néanmoins, il faut souligner un point positif : les Vikings. Dans ce tome, Dupré semble prendre un réel plaisir à dessiner ces guerriers nordiques. On retrouve le même soin qu’il avait apporté dans le premier tome à l’armée des morts. Cela pose une question intéressante : le problème de Dupré viendrait-il de son incapacité à retranscrire des visages et silhouettes déjà connus du public ? Lorsqu’il crée de nouveaux personnages ou des figures anonymes, son trait est plus assuré et convaincant. Mais face à Arthur, Perceval ou Guenièvre, il paraît désarmé.

Kaamelott (Tome 2) : Les sièges de transport laisse une impression mitigée. L’idée de mettre Perceval et Caradoc en avant est excellente, mais le récit ne leur laisse pas la place promise. L’intrigue parallèle avec Arthur fonctionne bien, mais s’appuie sur des gags déjà vus, ce qui réduit l’intérêt global. Surtout, l’absence de véritable dimension heroic fantasy fait perdre à ce tome ce qui rendait le premier au moins singulier. Graphiquement, les limites de Steven Dupré se confirment, même si certaines fulgurances montrent qu’il est capable de mieux lorsqu’il n’a pas à adapter des visages connus.

StevenBen
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Créée

le 19 janv. 2023

Modifiée

le 2 oct. 2025

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Steven Benard

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