Adoptant une structure parallèle à Tempête – les trois premiers quarts du récit sur l’île, le dernier à Londres –, Mains rouges s’organise autour du thème du nom : Peter y devient Peter Pan et le nom du capitaine s’apprête à trouver sa justification. Ce qui coïncide avec une part plus réduite de dialogues.
Dans l’épisode précédent, Peter abordait l’amour et le mort. Dans celui-ci, il y est clairement et explicitement confronté – Pan meurt pour de bon, Lys Tigré l’embrasse pour de bon. L’ambiguïté née des dernières planches de Tempête, et qui mêle au plus haut point Éros et Thanatos, se prolonge dans la scène finale de Mains rouges : on ne sait toujours pas qui est Jack.
D’autre part, la fin de ce quatrième album montre assez bien l’une des caractéristiques de toute la série, à savoir la cohabitation, au même moment et presque au même endroit, de la noirceur la plus profonde – les crimes de Jack l’Éventreur – avec une candeur qui s’approche de la guimauve – les lignes de dialogue de « Picou », encore plus niaises que les répliques de Petit Gibus dans la Guerre des boutons.
Pour le reste, ce quatrième tome est plus délié que les trois précédents. On peut aussi dire plus léger – je parle de la profondeur des idées, non des thèmes abordés. Et si on trouve enfin une utilité à la gaffe diplomatique avec les Indiens qui ouvrait Tempête, un certain nombre de planches dans Mains rouges sentent clairement – puent ? – l’album de transition. Il y a un net problème de rythme, d’autant qu’au bout de quatre volumes, le lecteur voit désormais que le trésor à conserver qui sert de ligne narrative semble au mieux un prétexte pour quelque chose de plus sérieux, au pire une gaminerie – et peut-être une métaphore un peu lourde.
Ce qui est peut-être le plus intéressant dans cet album, c’est l’évolution de Peter : il se conduit de plus en plus souvent comme un adulte. À cet égard, la façon dont il se comporte après la mort de Pan est exemplaire : je ne connais aucun enfant qui, de lui-même, ferait son deuil de cette façon-là. Il me semble aussi que physiquement, les postures de Peter, sinon ses traits, deviennent celles d’un adolescent. (Par contre, cette fois-ci, j’ai eu beau chercher, je n’ai rien trouvé qui le rapproche d’Ulysse.)
Et puis il gesticule moins, ce qui n’empêche pas Loisel de continuer à exceller dans l’alternance entre statique et dynamique dans chacune de ses planches. Car si je n’y ai guère insisté dans mes critiques des albums précédents, cette série reste une sacrée réussite en termes de technique – je ne parle pas de virtuosité du dessin, mais vraiment de cette technique propre à la bande dessinée.

Alcofribas
7
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le 5 mars 2019

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Alcofribas

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