Merci l'auteur !

Sunstone, c'est ma série fétiche. Cette histoire entre deux femmes qui s'initient ensemble au BDSM est mignonne comme tout et les personnages résonnent très fort chez moi. C'est à la fois un modèle d'érotisme soft qui se passe de racolage et un rituel pour moi, ma dose de tranche de vie avec des personnages que j'adore. Je ne pouvais donc pas manquer l'arrivée du nouvel arc Mercy. Ce dernier revient sur la vie d'Alan et Anne, on explore dans ce tome leur passé séparément avant de voir dans les volumes à venir comment il finiront ensemble. On pourrait donc considérer cet arc comme un spin-off puisqu'il se passera à la fois avant, pendant et après Sunstone en se concentrant sur quelqu'un d'autres qu'Ally et Lisa.

Comme cet arc revient entre autres sur des événements qui ont déjà été évoqués dans le tome 2 de Sunstone, j'ai eu peur de la répétition. Par exemple la rencontre entre Alan et Ally et celle entre Cassy et Tom sont entièrement reprises. L'adolescence d'Anne nous est inconnue et représente la moitié du présent volume, mais il y a toute l'autre moitié qui concerne la relation des deux fans de BDSM que l'auteur a déjà abordée. Pourtant l'auteur Stjepan Šejić se détourne rapidement de ce qu'il a raconté pour aborder ici leur première fois, laquelle avait été éludée par Ally dans le tome 2. Et quelque part j'ai eu l'impression d'avoir un remake du premier tome en mieux traité. Ce tome 1 était court et allait à toute allure car Stjepan Šejić ne pensait pas investir autant de temps dans cette série, initialement conçue pour se détendre pendant sa crise de la page blanche. On démarrait directement sur la prise de rendez-vous entre Ally et Lisa et leur première fois se montrait idyllique malgré leur gros stress. C'est dans les tomes suivants que l'auteur croate prenait le temps de développer ses personnages, de les faire évoluer progressivement tandis qu'ils essayaient difficilement de mettre le doigt sur leurs problèmes. On le voyait d'ailleurs à l'épaisseur des volumes qui augmentait, augmentait... tout ça pour notre plus grand plaisir.

Cette fois Stjepan Šejić montre toutes les étapes de l'amitié entre Alan et Ally. Leurs discussions, leur plaisir à trouver quelqu'un à qui parler de fétichisme, leur timidité quand il s'agit de faire des achats en ce sens, leur interrogation sur leur relation, et surtout leur première séance BDSM. Comparer cette scène avec ce qui en avait été fait dans le tome 1 est assez amusant, on a l'impression qu'après avoir eu la version fantasmée on a la version réaliste qui nous rappelle que ce n'est pas si facile de dominer. Une manière sympathique de proposer une alternative à la première fois de Lisa et Allison, avec une maladresse plus authentique. Bonus de cette VF : cette fois le vouvoiement est de mise lors du roleplay BDSM, tout de suite ça colle plus que pour les précédents tomes.

Pour la partie consacrée à Anne j'ai moins de choses à dire. C'est également un thème de la découverte de soi et de la première fois, ici au sujet de la bisexualité, les deux histoires étant bien mises en parallèle. C'est mignon comme dans les standards de la série, c'est intéressant d'explorer ce passé où elle avait un style adolescent bien différent de celui des tomes précédents, mais ça nous laisse en terrain connu. La fille sur laquelle Anne va flasher a son style bien à elle et leur relation a ses propres embûches, mais pour le moment je ne vois pas trop ce qui incitait Stjepan Šejić à nous raconter cette histoire là. On verra bien dans la suite, il y a des bases pour du développement.

Au niveau du dessin Stjepan Šejić est fidèle à lui-même. Les décors sont souvent laissés en flou à l'arrière-plan, mais il met l'accent sur les personnages et ces derniers se montrent toujours aussi expressifs. Ils ont des réactions parfois tordantes sans partir trop dans le cartoon. Pour la mise en page je trouve que le dessinateur a développé une fâcheuse tendance à mettre des gaufriers remplis de cases minuscules pour placer un maximum de dialogues. Ce n'est pas trop fréquent, mais quand ça arrive ça réduit pas mal la force de certaines réactions des personnages qui auraient mérité plus d'espace. Il a aussi quelques faux-raccords qui continuent de lui échapper. Cependant on oublie vite ces détails, le trait demeure chouette et les couleurs sont chaleureuses. Il y a quelques transitions marrantes, peut-être parfois trop appuyées par les narrateurs, et les scènes importantes ont l'ampleur nécessaire.

Ce nouveau tome est digne de l'attente. Stjepan Šejić sait écrire ses personnages et il déborde d'humour. Beaucoup de situations cocasses sentent le vécu, les vannes font mouche et le sexe est très drôle avec lui. Son volume de 200 pages avance à son rythme, sans rien précipiter. Il peut se le permettre, il est assez attachant pour nous accrocher uniquement avec de la vie quotidienne.