Je n’aime pas Tom King. Je crois que ce n’est plus un secret pour personne. Enfin, je n’aime pas le travail de Tom King sur une série majeure, comme Batman, pour ne citer que ce travail récent. Cela se passe un peu mieux sur les mini-série. Là, il peut laisser libre cours à son imagination sans que cela n’entache le titre en question. Il y a plus de libertés, qui seront moins impactantes sur le titre en lui-même.
En me lançant dans ce Mister Miracle, je ne savais absolument pas dans quoi j’allais mettre les pieds.
Élevé sur Apokolips, planète-usine sous le règne de l’implacable Darkseid, Scott Free réussit l’impensable : échapper à ses geôliers pour rejoindre la Terre où il rencontra son mentor, un artiste de l’évasion officiant sous l’alias de Mister Miracle dont il reprendra l’identité. Depuis, aucun barreau, aucune entrave, aucune prison ne put retenir prisonnier Mister Miracle, symbole d’une liberté retrouvée. Mais que se passe-t-il lorsque l’artiste de l’évasion ultime se trouve aux prises avec nouvelle forme de captivité : la dépression ?
Mister Miracle ou le récit complet à la croisée des travaux de Jack Kirby et ceux d’Alan Moore. Tom King (Batman Rebirth) et Mitch Gerads (The Activity), déjà à l’œuvre sur Sheriff of Babylon, reprennent un personnage mythique de la saga du Quatrième Monde pour une épopée intimiste et provocante qui plonge le lecteur dans la psyché de son héros torturé et qui a valu à ses auteurs deux Eisner Awards.
(Contient les épisodes Mister Miracle #1 à 12 et Mister Miracle #1 Director’s Cut)
Pour mettre fin à la terrible guerre qui frappait Neo-Genesis et Apokolips, Le Haut-Père et Darkseid échangèrent leurs fils. C’est ainsi que Orion fut élevé dans la bienveillance et le bien-être, tandis que le pauvre Scott Free tomba entre les mains, entre les griffes de Mamie Bonheur dans l’enfer et le chaos d’Apokolips.Un nom qu’il doit à ses multiples tentatives de fuir la planète.
Des échecs, des échecs et encore des échecs. Mais cette détermination pousse Big Barda, première des Furies à s’intéresser à lui. Des années plus tard, le couple est parvenu à fuir et à se réfugier sur Terre. Mister Miracle est né et vit le grand amour avec Big Barda, cependant et toujours, Darkseid est !
On connaît tous cette histoire et ces personnages créés par le génialissime Jack Kirby. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Tom King respecte à merveille le travail du Maître. Il reprend tous les codes du personnages, toutes les attentes que l’on peut attendre d’un tel titre issue de cet univers aussi riche. Mister Miracle par Tom King n’est cependant pas un hommage au formidable travail de Jack Kirby, mais quelque chose de plus intimiste, de plus personnel.
Le véritable intérêt du récit se retrouve dans le travail sur le personnage, et dans l’approche introspective de Tom King. Son Mister Miracle n’est pas un récit de super-héros. Il a beau être un « dieu », il a beau être doté de facultés incroyables, il n’en demeure pas mois, qu’il n’existe dans ce livre, que par ses doutes, ses questions, ses blessures.
Sa vie, dans le sens propre du terme, son existence même, l’amour, l’image que l’on dégage dans un monde régit par l’image, la célébrité, si fragile qu’elle soit ou encore la paternité, nouvelle expérience qui peut effrayer, tout est sujet au doute pour Scott. Tout justifie une remise en question. Et plus on doute, plus on hésite, plus on est proie à ne plus croire en soi, plus on est persuadé de ne pas être à la hauteur et nous voilà en pleine dépression.
Et c’est cette souffrance invisible et inarrêtable que Tom King nous présente. C’est cette souffrance de Mister Miracle qui est au cœur du récit. Cette souffrance que l’on peut tous avoir à vivre, ce mal-être qui peut tous nous surprendre. Une souffrance incroyablement mise en avant et en image dans le récit. Des scènes fortes et des images marquantes. Les parasites, ou simplement la barbe qui pousse pour tenter de cacher la douleur.
Scott Free a tout pour être heureux, et pourtant il ne l’est pas ! Et c’est en tentant d’échapper à la vie en s’ouvrant les veines que démarre notre livre. Il survit bien entendu, et ve passer le temps à se demander pourquoi ? Mais toutes ces questions vont rester sans réponse, pour la simple et bonne raison, qu’il n’y en a pas. C’est incroyable de réalisme, et il est facile que Tom King sait de quoi il parle. Sans doute de par son expérience personnelle.
A travers ce récit, Tom King nous invite à nous poser ces questions, à faire notre introspection, à essayer de mettre des mots sur des maux invisibles et qui s’insinuent très facilement.
Graphiquement, Mitch Gerads s’inspire clairement des comics des années 70. Une colorisation et des caractéristiques qui les rappellent. On retrouve un gaufrier mais auquel le dessinateur insuffle un nouveau souffle. C’est dynamique, terriblement expressif, bourré de détails. On en oublie presque le gaufrier par moment. De très nombreux clins d’œil. C’est vraiment sublime.
Bref, Mister Miracle est une véritable claque. Le genre de récit que l’on lit que trop rarement. C’est intelligent, profond, poussant à la réflexion, d’une grande sensibilité, presque bouleversant par moment. On suit la vie d’un homme que les doutes assaillent, et l’on réalise que l’on a beau avoir des pouvoirs incroyables, face à la dépression, personne n’a les bonnes armes. Un excellent récit !