Monster
8.3
Monster

Manga de Naoki Urasawa (1994)

Le Monstre était une bête mythique


Pour un commentaire plus abouti de l'œuvre : la critique de l'adaptation animée de Monster.



Puisque je finirai par encenser l'anime à force de pavoiser sur le manga, ma critique tournera court. Une intrigue ficelée de A à Z avec A ayant Z dans le collimateur dès le premier chapitre, c'est suffisamment notable pour se donner la peine de le mentionner et même, de l'encenser si ce n'est de le célébrer. Quant, aujourd'hui, les intrigues de manga sont parmi les plus primitives et trouvent en plus le moyen d'être inachevées, le fait d'arme d'Urasawa n'en ressort que plus méritoire.
Méritoire et stupéfiant. Qu'un polar aussi dense, capable de condenser autant de filaments de scénario puisse, en les rassemblant, créer un cordon liant sans faute le début à la fin, évoque un haut-fait tout droit tiré de la plus absolue science-fiction. M'en aurait-on parlé sans jamais que je n'ai lu une page de Monster que je n'aurais pas cru cela possible.


Une partition sans fausse note, une symphonie scénaristique où même le plus petit instrument est mis à contribution pour entonner cette spectaculaire ode à la gloire des Seinen qui ont, heureusement, des ambassadeurs plus glorieux que certaines œuvres douteuses pourtant présentées comme les meilleures représentantes du genre. L'écriture - aussi bien celle des personnages que du récit - est si saillante qu'elle apparaît comme plus manifeste encore que le dessin. Un dessin qui me laisse d'ailleurs perplexe tant il manie une harmonie paradoxale entre simplicité et complexité. C'est si simplement présenté qu'on ne prête pas attention aux détails pourtant nettement présents. On ne veut pas les voir en réalité ;les visages comme les comportements sont si réels qu'ils ne tiennent plus du dessin. Du figuratif qui s'amène à nous naturellement et que l'on a vite-fait de considérer comme acquis au point de ne plus l'appréhender comme un art mais un fait tangible.
Naoki Urasawa est un grand du dessin que je mésestime malgré moi. Chaque lecture de ses ouvrages est pourtant un rappel patent et même palpable de son talent. Dans ses traits, n'y a jamais de trop et on ne manque de rien, si un mot seul devait caractériser son style, «équilibré» m'apparaît comme le plus désigné. Il est juste à propos en tout instant et en tout endroit, l'harmonie s'ajoute alors à la symphonie ; c'est beau et la forme se manie à merveille de sorte à accompagner chaque mouvement opéré par le fond.


Que l'anime ait respecté le crayonné n'en est que plus admirable. Ce qu'il manquait au manga était peut-être un sens du dramatique plus poussif que ce que le papier mettra en exergue. Un défaut que se sera employé à corriger une version animée confectionnée aux petits oignons.


Monster, c'est le pinacle de ce que Naoki Urasawa a à nous offrir et Dieu sait que c'est haut perché sur l'échelle de la qualité scénaristique objective. L'inconvénient est cependant de taille puisque commencer sa carrière au sommet implique de ne pouvoir se contenter par la suite que de monts plus anecdotiques à sillonner. On n'applaudit pas une deuxième fois un alpiniste qui, après avoir vaincu l'Himalaya en solitaire, se contente par la suite de quelques montagnes offertes aux escapades touristiques.

Josselin-B
7
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le 18 mai 2020

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Josselin Bigaut

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