Robert Kirkman continue de développer les personnages, Charlie Adlard dessine tout : l’émotivité de Carol contient la froide distance contenue de Lori, l’humour de certains pour supporter la tension s’esquisse dans le pragmatisme vers lequel la situation les pousse, toujours à s’occuper. La folie nostalgique de Rick, qui se raccroche au passé, à un monde révolu qu’il ne se résout pas à voir disparaître, pour évacuer ce qu’il peut – il se confie aux morts plutôt qu’à ses proches pour continuer d’avancer –, cette douce folie ne l’empêche pas de garder pied dans le réel, et d’être le meilleur père possible, à l’écoute des questions de son fils.
Il est question de confort aussi, autour de la culture principalement : les livres de la bibliothèque satisfont les uns, et la découverte d’un générateur et sa promesse d’électricité, permet d’évoquer la musique et le cinéma. Un semblant de normalité plane.
Bientôt une excursion mène Rick, Michonne et Glenn en terres hostiles.
Très expressif portrait pleine page du Gouverneur : c’est la mauvaise rencontre, ils sont retenus dans l’antre du diable, un chef de village autoproclamé à l’ambition aussi dévorante que l’insatisfaite faim d’un mort-vivant. La couleur leur est annoncée de suite avec un combat de gladiateurs, cernés de zombies enchaînés au cœur d’une arène. Prisonniers d’un tyran sanguinaire, ils sont torturés. Pour continuer dans l’extrême du personnage, l’impressionnante double page du repos du monstre est un must de l’album, affalé devant sa collection de têtes coupées, alignées dans des aquariums, le Gouverneur rumine. Et quand Rick interroge le médecin à propos de leur bourreau, il nous est présenté comme le double maléfique du héros : celui qui n’a pas su gérer, qui a perdu pied avant de s’abrutir de pouvoir. L’animal dangereux, gouverneur assoiffé d’horreurs, s’avère être un excellent méchant, idéalement pensé comme le pendant de Rick.
Les auteurs, malins, utilisent une ellipse pour alimenter le suspense, en manipulant à la fois Rick et le lecteur, quand le Gouverneur laisse planer une effroyable menace sur la prison.
Monstrueux. L’épisode porte bien son titre, qui extirpe Rick du quotidien confort de sa prison d’organisation et de responsabilité, pour le confronter aux monstruosités générées par ces temps d’apocalypse. Le gouverneur tortionnaire se révèle un monstre engendré dans la désagrégation du cadre social d’une civilisation qui s’éteint quand l’humanité abandonne l’âme.
Matthieu Marsan-Bacheré