Myetzko
7.9
Myetzko

BD (divers) de Sergio Toppi (2001)

Dans la forêt des imaginaires des amateurs du neuvième art circule une légende qui fait office de graal graphique :


il existerait certains illustrateurs doués au-delà du réel d'une faculté d'animer de reliefs et de pulsations leurs récits découpés de cases, des artistes au talent si intense qu'ils peuvent sublimer la moindre anecdote afin d'en extraire les craintes et les crédulités de l'homme, ses ignorances et les visages de sa foi.



Toppi est un dessinateur hors du commun, son œuvre sous le trait précis est envoûtante.
Myetzko regroupe deux récits.
Ogoniok, bureaucrate de l'aristocratie du Tsar s'égare dans la taïga enneigée lors d'une de ces parties de chasse dont raffole sa classe. Au cœur de l'errance, il est accueilli par les autochtones. Autour du feu et d'un thé brûlant, ceux-là lui narre la légende de cette forêt où ils vivent. Où lui chasse.
Myetzko est l'ordonnance du capitaine. Ces deux-là ne se séparent jamais. Dans les tranchées du front russe de la Première Guerre Mondiale, leurs soldats se laissent conter la légende des origines séculaires de leur entente où l'ancêtre sorcier du premier sacrifiait sa vie pour sauver celle de l'aïeul du second.
Le dessin noir et blanc est splendide d'ombres étudiées, de portraits durs aux reliefs des peaux, doux à la caresse du derme, d'imposantes masses de poils animales et de fulgurances précises de plumes en vol. Développe


une forme de poésie graphique hallucinante.



Joue l'apparente simplicité du trait sous une méticulosité vivante : regards profonds, barbes en broussailles, l'armure lisse et luisante, solide et cliquetante, de ce chevalier des mots noirs qui fend les lourdes et pourtant aériennes volutes de fumées blanches, explosions et éclats soudains des légendes qui s'avèrent tangibles. Menaçantes autant que rassurantes.


Du grand art !
Toppi livre un diptyque merveilleux d'enchantements graphiques. L'atmosphère fantastique s'y dilue avec autant de violence que d'évidence dans le réalisme captivant de l'œuvre et, malgré la légère faiblesse des scénarii qui jouent du même schéma narratif, séduit le lecteur plongé là


aux passés des contes et des angoisses millénaires de l'homme face aux magies inexplicables de son imagination.



Entre rêve et cauchemars dissous, un réalisme vibrant des chairs et des frissons.
Matthieu_Marsan-Bach
8

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Créée

le 2 juil. 2018

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