Dans Parasite, Hitoshi Iwaaki prend pour point de départ des considérations écologiques et misanthropes : est-ce que la disparition d'une fraction de l'Humanité diminuera d'autant la pollution, qui se dévouera pour déchoir les Humains de leur place au sommet de la chaîne alimentaire. Et pour faire déchoir les Humains de leur position privilégiée, l'auteur fait intervenir des parasites extra-terrestres qui tombent du ciel pour imiter les humains et s'en nourrir.
Les questions écologiques que l'auteur formule en guise de propos liminaires prennent un aspect aliéné. Ces questions écologiques sont résolues par l'arrivée des parasites extra-terrestres, et dès le début. Des parasites aux origines mystérieuses. Ainsi, les considérations écologiques liminaires sont des décisions arbitraires, assénées sans discernement, et qui handicappent la vie des citoyens ordinaires. Les considérations liminaires pointent du doigt des politiques écologiques extérieures au Japon et qui sont appliquées sur le territoire sans discernement.
Le maire écolo qui fait campagne et son entourage sont des parasites qui utilisent le prétexte écologique pour accomplir la sorte de prophétie des propos liminaires et dévorer une partie de l'Humanité.
Donc le manga est moins porté sur l'écologie en elle-même (pour ça on pourra regarder certains Ghibli comme Pom Poko, Nausicäa et Princesse Mononoke), que sur les conséquences dans la vie quotidienne de l'application sans discernement des politiques écologiques internationales.
L'application sans discernement des politiques écologiques internationales devient un handicap qui sabote la société et écrase les vies humaines. Ces politiques empoisonnent la société à tous les niveaux en clivant jusqu'aux membres des familles, ce qui est incarné par le remplacement par les parasites et la déprédation que subissent les non-infectés. L'auteur montre au passage à quel point les questions écologiques sont importantes au Japon.
En suivant Shin'ichi, l'auteur nous montre plusieurs cas de figures d'infection, plaçant le manga dans la veine du roman naturaliste. Un roman naturaliste remis au goût du jour, dans la société actuelle, et japonaise.
D'ailleurs, le manga puise intelligemment dans d'autres genres : le shounen, le seinen, le body-horror, l'horreur d'ambiance, la tranche de vie et le passage à l'âge adulte.
Et l'on suit Shin'ichi qui navigue cette société empoisonnée. Étant infecté par un parasite mais sans avoir perdu son cerveau dans le processus, Shin'ichi fait partie des deux mondes, celui des Humains et celui des Parasites, et il a du recul sur ces deux mondes. Ce qui lui permet de mélanger un peu des deux pour en faire une force.
D'ailleurs, c'est plus qu'une transformation, c'est une métamorphose qu'opère Shin'ichi lors de son passage à l'âge adulte. L'on y retrouve le thème de la nature. Shin'ichi se transforme physiquement, mais intérieurement, comme les insectes hémimétaboles (héhé, j'ai réussi à le placer, merci Desproges, un point pour qui trouvera la référence).
La transformation de Shin'ichi est jouissive. Il devient puissant et charismatique. À l'heure des hormones qui bouillonnent l'adolescent mâle a souvent fantasmé sur le fait de devenir le plus puissant du monde, et c'est ce fantasme que l'auteur explore à travers les transformations corporelles de Shin'ichi. Et les transformations mentales ne sont pas en reste, on découvre progressivement un Shin'ichi plus pragmatique, plus acteur, plus adulte.
Et, au final, Shin'ichi en vient à ne pas pouvoir changer les choses, et à vivre, avec sa copine, et à faire au mieux avec ce qu'il a.
Ce que vit Shin'ichi peut être transposé à d'autres sujets, ce qui fait de Parasite un manga intemporel. Le propos de Parasite est toujours d'actualité, avec l'augmentation des décisions politiques ultra-clivantes, peu importe le sujet, écologie ou pas.
En somme, Parasite est un excellent manga, que je recommande de lire. L'animé est fidèle au manga. Par contre, la série de live-actions sud-coréen, si elle se place dans le même univers, ne suit pas du tout la même histoire, et celle-ci est moins bien ficelée, et la série a perdu de vue le fond du propos, mais, ça sera pour une autre critique.