le 30 juin 2025
Le Raytour de Ringo
Ray Ringo c'est une BD oubliée des années 60/70 ayant très peu d'albums, dessiné par William Vance qui était surtout connu pour la série XIII scénarisée par Jean Van Hamme. Mais c'est limité sa...
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- J'entends vos arguments, Ringo… Malheureusement, ce n'est pas le terrain qui guide nos décisions… C'est le marché ! Si nous ne coupons pas dans le budget aujourd'hui, nous mettrons la clé sous la porte demain… Que préférez-vous ?
- Je vais vous dire ce que je préfère, Monsieur Fargo… Je préfère des conducteurs et des voyageurs qui voyagent en toute sécurité et qui arrivent à destination en un seul morceau… Et je préfère renoncer à mon travail si la compagnie qui m'emploie n'est plus capable d'assurer ça !
Le héros de western imaginé par William Vance, le légendaire convoyeur Ringo, ressurgit du passé après quarante-sept ans d’absence ! La trilogie initiale avec les titres : Piste pour Santa Fe (1967), Le Serment de Gettysburg (1968) et Trois salopards dans la neige (1978), nous faisait découvrir un homme de devoir, employé par la Wells Fargo, une entreprise de convoyeur où chaque nouveau contrat ouvrait la voie à de nouveaux dangers. Trois récits certes classiques, mais solides et efficaces, qui n’avaient nullement à rougir face à d’autres sagas du genre. Aujourd’hui, Ringo renaît sous la plume d’Éric Corbeyran, et le plaisir est au rendez-vous. Habituellement, je reste méfiant lorsque des séries anciennes sont reprises sans la patte de leur créateur originel. L’exercice tourne souvent à la copie sans âme ou à la modernisation forcée. Mais ici, la démarche sonne juste. Sans doute parce que Ringo était une œuvre à fort potentiel jamais pleinement développée, abandonnée en chemin par son créateur. Du gâchis, tant il y avait encore à beaucoup de chose à raconter et à explorer. Et quand les possibilités et le potentiel sont présents, mieux vaut laisser une nouvelle équipe s’emparer du flambeau. C’est exactement ce qu’accomplit Ray Ringo, tome 1 : La Porte du Diable, des éditions Le Lombard, qui ouvre une nouvelle ère pour le personnage.
Le retour du célèbre convoyeur se fait sur un mode plus personnel. Ringo tourne la page de la Wells Fargo pour se lancer dans une quête intime en voulant retrouver sa fiancée, Lean, elle aussi convoyeur pour la compagnie, enlevée après une altercation sanglante. Avant de se lancer à sa recherche, il accepte un dernier contrat avec la compagnie pour pouvoir retracer sa piste. S’ensuit un périple brutal. Ce premier tome s’impose d’abord par son sens du rythme. Tout y est posé pour maintenir une tension constante, où chaque rebondissement n’est jamais gratuit, mais participe à un engrenage narratif implacable. On démarre presque sur un faux rythme, avec une mission qui semble classique au premier abord. Mais peu à peu, l’histoire bascule dans une atmosphère beaucoup plus sombre où douleur personnelle et violence brutale se mêlent à des secrets bien gardés. Une vérité étouffée, enfouie dans le passé de Lean, la fiancée de Ringo, éclate alors au grand jour. Son histoire tragique, liée à une communauté mormone et à des violences sexuelles, apporte au récit une profondeur inattendue. Mais pendant que la vérité se dévoile, le présent n’accorde aucun répit. Ringo est pris en tenaille entre ses sentiments et l'urgence de la situation, traquant une bande de mercenaires sans foi ni loi, ceux peut-être responsables de l'enlèvement de Lean, prêts à tout pour remplir leur mission. Le scénario alterne entre enquêtes, flashbacks et scènes d’action pures. Des affrontements nerveux où le danger principal, est incarné par le chef de la bande de mercenaires : l’homme aux bottes en peau de serpent. Dès sa première apparition, ce personnage impose une aura de menace à travers une bonne mise en scène, et s’impose comme un bon antagoniste. Son duel contre Ringo est l’un des temps forts du récit.
- T'es bien sûr d'vouloir tout plaquer, Ray ?
- Oui, Gus, ma décision est prise. J'accepte d'être responsable de la vie de mes passagers… Mais je refuse d'être complice d'un système qui les expose sciemment au danger !
Pour ce grand retour, ce qui fait la force du personnage, c’est dans le paradoxe qu'il représente. Ringo n’est plus seulement l’icône mythique de l’Ouest, mais un homme lucide marqué par l'expérience. Il n’a plus rien à prouver, ni à lui-même, ni aux autres. Loin de foncer tête baissée comme autrefois, il mesure le poids de chaque décision, conscient que le temps des exploits insouciants est révolu. Il n’est plus question pour lui de risquer sa vie à la légère, ni pour les autres, ni pour lui-même. Ce n’est pas un héros galvanisé par la gloire qui revient sur le devant de la scène, mais un homme mûr qui refuse d’alimenter sa propre légende. Ce n’est pas un come-back flamboyant porté par l’ivresse de l’aventure, mais celui d’un homme qui regarde son passé avec distance et n’a plus foi dans la légende qu’on a bâtie autour de lui. Au point d’ailleurs de décourager son jeune compagnon de route, Sipi (Rivière), qui l’admire avec naïveté, en adoptant une posture de mise en garde. Avançant sur une route qu’il aurait préféré ne plus emprunter. Le dernier sursaut d’un cow-boy qui aurait préféré rester dans l’ombre... mais que le destin ramène sur le devant de la scène pour un ultime affrontement. Un premier tome qui ne clôt pas l’histoire, refermant seulement un chapitre majeur, laissant entrevoir une suite lourde de promesses qui s’annonce aussi intense que troublante. Laissant présager un sort tragique pour la pauvre Lean, désormais entre les mains de la tribu des Shoshones. Un dénouement brutal qui ne peut que renforcer mon attente pour la suite.
Côté dessin et couleur, c’est Roman Surzhenko qui prend les rênes, et à vrai dire, je redoutais un peu ce choix. J’ai souvent du mal avec les styles modernes appliqués à des séries issues d’un autre temps. Cela donne souvent un résultat trop lisse et trop numérique, déconnecté de l’âme originelle de l’œuvre. Mais ici, c'est une surprise agréable. Surzhenko s’en sort avec les honneurs. Sa patte est précise et dynamique, donnant vie à des planches solides, parfois même superbes quand il s’aventure sur des panoramas ouverts, respirant l’Ouest sauvage. Cela dit, il y a un bémol, et pas des moindres. Le décor principal, cette fameuse « Porte du Diable » qui donne son titre à l’album, manque cruellement d’ampleur. Je m'attendais à un lieu marquant, ayant de l'ampleur, imposant une silhouette mythologique comme un personnage à part entière. Finalement, ce décor reste visuellement assez générique et interchangeable. Il est là, bien présent, mais il n’imprime rien de durable. Difficile, dans ces conditions, de croire à son importance symbolique. Alors, pourquoi ce titre ? La Porte du Diable, est peut-être davantage une métaphore, la promesse de ce que Ringo devra traverser dans les tomes à venir, à partir de l’instant où il franchit cette porte. Une portée non pas que géographique, mais moral. Mais visuellement, l’enfer manque encore un peu de gueule. Parmi les moments les moins brillants, je note aussi le moment où Lean, enfin sauvée, fait tout pour ignorer les conseils de Ringo et sort de sa cachette… pour s'effondrer deux cases plus loin, comme si elle jouait à "qui veut se faire attraper ?". Sur le plan narratif, cette séquence ne peut s’expliquer que de deux façons : soit c’est une facilité scénaristique, soit Lean a décroché le trophée de la reine des décisions foireuses. Histoire de finir sur une bonne note, je retiens quelques clins d’œil historiques bien placés, dont une apparition savoureuse de Mark Twain, qui n'est autre que le créateur des Aventures de Tom Sawyer et Les Aventures de Huckleberry Finn, et qui offre un dessin à Ringo pour le remercier.
Ray Ringo réussit là où beaucoup échouent en ressuscitant un personnage tombé dans l’oubli sans trahir son esprit, tout en lui offrant une nouvelle profondeur. Ce premier tome est une aventure qui se lie sans déplaisir, offrant des bons moments de tension, pour un résultat imparfait, mais pleinement distrayant.
Hâte de lire le tome 2 !
Indifférent à la beauté qui nous entourait et aux paysages grandioses que nous traversions, mes pensées étaient toutes entières tournées vers Lean. C'était une fille solide et combative, pleine de ressources, cependant j'étais terrifié à la perspective de ce que j'allais découvrir. Mais dès l'instant où je me remis en selle, je sus que rien au monde ne pourrait me faire reculer.
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Créée
le 22 juin 2025
Critique lue 123 fois
le 30 juin 2025
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