C'est si dur d'enchainer sur d'autres histoires avec un début aussi fracassant qu'à pu nous proposer le premier tome de l'intégrale. Je vois cette suite comme un miracle, car à chaque relecture, je me dit qu'on ne peut que se rater, ou au moins faire un poil moins bien...

Mais non, on enchaine sur du caviar!

Je ne saurais dire à quel moment exactement j’ai senti que Sandman devenait autre chose qu’une simple série originale. Mais je crois que c’est ici.... Dans ce deuxième volume, tout se déploie, s’ouvre, se multiplie et ça vibre d’une manière qui m’a profondément marqué. Après la verticalité presque rigide du premier tome, cette suite respire.

Elle s’élargit, elle explore et moi, en tant que lecteur, je me suis senti happé dans un labyrinthe narratif où chaque détour est une idée, une promesse, une vérité cachée.


On pourrait croire, au début, à une forme de redite ou de stabilisation. C'est d'ailleurs l'impression qu'on peut avoir sur les premières pages!

Après tout, Dream a retrouvé ses objets. Que reste-t-il ? Et pourtant, tout commence à bouger. Ce n’est plus seulement l’histoire d’un roi déchu qui reconquiert son royaume. C’est celle d’un monde entier qui s’organise autour du rêve, et surtout de ses failles. Car ici, apparaît pour la première fois un Vortex du rêve, un être capable de détruire toutes les frontières entre les songes des hommes. Une certaine Rose Walker. Une jeune femme qui n’a rien demandé, mais dont l’existence menace les fondations mêmes du royaume de Morpheus.

Une fausse antagoniste, qui ne le mérite pas et c'est déjà un sacré tour de force pour un comics de nous introduire un personnage qui va mettre à mal notre morale!


Et dès lors, l’univers de Sandman prend une toute autre ampleur.


On parle d'héritage, de transmission, de faille générationnelle. On entre dans le concret, le familial, l’intime. Rose devient ce lien fragile entre les mondes, entre sa grand-mère Unity, personnage troublant, figée dans le sommeil depuis la captivité de Dream (sobrement et discrètement introduite dans le tome précédent), et le roi du rêve lui-même.

Il y a quelque chose de vertigineux dans cette façon qu’a Gaiman d’imbriquer les drames familiaux dans une fresque cosmique. Le plus fascinant, c’est qu’il le fait sans grandiloquence. Tout reste à hauteur d’âme.


C'est d'ailleurs avec cet imbriquemant d'histoire qu'on va comprendre que c'est la spécialité de son scénariste. Une chose si complexe et un tour de force digne de la plus belle des pirouettes quand on prend conscience que tous va se rejoindre en un point!

Je pense que c'est sur cette partie de l'intégrale que j'ai fini de trouver mon scénariste préféré...


Car oui, ce tome ne se contente pas d’un arc central.

Il ose interrompre sa propre narration pour livrer des contes en apparence sans lien et pourtant... L’histoire de Nada (aussi introduite discrètement au tome précédent), amoureuse damnée de Dream, en ouverture, laisse une trace brûlante. Le pacte avec Hob Gadling, cet homme immortel qu’on retrouve siècle après siècle dans un pub, est peut-être l’un des épisodes les plus tendres... Bâtissant une amitié si belle et si simple qu'elle me touche encore des années après ma découverte.

Et comment oublier cette convention de tueurs en série, hommage tordu à Twilight Zone, à la fois drôle, dérangeant, et d’une intelligence redoutable ? Parfois on s'arrête devant une oeuvre pour juger de l'originalité d'une idée... Là je m'incline face à cet enchainement qui foisonne!


C’est là que le génie de Gaiman s’affirme pleinement. Il n’impose pas une histoire.

Il construit un univers souterrain, une toile de significations où chaque récit secondaire devient une facette du rêve lui-même. Et toujours, dans l’ombre, les Endless apparaissent. Après Death dans le tome précédent, voici venir Desire et Despair. Leur présence est troublante, incertaine, presque insidieuse. Ils ne dominent pas, ils manipulent. Et ils posent des jalons pour ce qui viendra plus tard. Car ce tome, c’est aussi une déclaration d’intention, ce que vous pensiez être le cœur de Sandman n’était qu’un prélude. Le véritable rêve commence maintenant.


Visuellement, c’est une mue. Le style brut et torturé du premier volume laisse place à une pluralité d’approches graphiques. Certains épisodes sont dessinés avec clarté, d’autres avec onirisme. Les artistes varient, et pourtant, un fil commun se dégage. Chaque histoire a sa texture. Il y a des planches contemplatives, d’autres plus nerveuses. Malgré cette diversité, jamais je n’ai eu l’impression de rupture ou de confusion.

Au contraire, cette variété sert le propos. C’est un rêve fragmenté, chaotique parfois, mais d’une cohérence profonde.


Alors oui, certaines critiques pointent une dispersion. Trop d’histoires, trop de digressions, pas assez d’unité. J’entends ces voix mais je ne les partage pas, car cette richesse, c’est précisément ce qui rend ce volume si précieux à mes yeux. Il ne cherche pas l’efficacité. Il cherche l’épaisseur. Il multiplie les voies pour mieux nous parler du même vide, du même manque, du même besoin d’ancrage dans nos propres récits.

Puis il y a cette émotion diffuse, persistante, que je n’arrive pas à nommer. Une tristesse douce, un frisson d’étrangeté, un sentiment de beauté bancale. Ce moment où Unity se sacrifie, Rose qui ne comprend pas encore ce qu’elle est, Morpheus qui hésite, pour la première fois, entre justice et compassion... Tout cela me poursuit.


La Maison de Poupée, c’est l’instant où Sandman cesse d’être une bonne série de comics pour devenir un monde à part. Ce n’est pas encore le sommet, il viendra, mais c’est déjà une porte d’entrée vers l’infini.

Une digne suite qui prend un ampleur imprévisible, sur une base déjà plus que solide!

KumaCreep
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le 25 juil. 2025

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KumaCreep

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