Shigurui part d'une trame scénaristique assez classique, une histoire de rivalité entre deux samouraïs ancré dans la période du Japon féodal. Pourtant, cette œuvre est frappante par la puissance de son dessin et de son récit.
Visuellement c'est un style assez unique qui met l'emphase sur les corps, à la fois à l'extérieur et à l'intérieur. Attendez vous à assister à des tranches de crânes, de membres et à des excrétions corporelles en tout genre. J'ai rarement lu un manga aussi violent visuellement et il ne serait pas inapproprié de parler de "gore" pour certains passages. Une grande beauté se dégage pourtant de cette horreur.
L'histoire oppose deux jeunes apprentis guerriers qui étudient au sein d'une même école et dont le maître, samuraï légendaire et craint de tous, commence à décliner. Bien qu'ayant un passé similaire, les deux protagonistes diffèrent radicalement sur leur rapport au monde.
L'un voue un culte à l'homme qui l'a recueilli et est totalement asservi au système féodal. Il est redoutable au sabre au prix d'un entrainement intense et d'un dévouement absolu à son art.
L'autre ne voit en ses maîtres que des tremplins pour progresser et s'élever socialement. C'est un génie du combat qui a des facilités naturelles et qui sait s'en servir pour arriver à ses fins.
Le récit est remarquablement documenté avec des détails historiques passionnants. La narration est quant à elle intéressante puisqu'elle s'appuie en grande partie sur du texte qui n'est pas du dialogue entre des personnages, ce qui, conjugué au caractère extraordinaire de l'action, donne le sentiment que l'on assiste à des scènes tirées de mythes ou d'un conte épique.
Les combats, qui sont un élément central de Shigurui, sont d'une rare intensité. Votre rythme cardiaque augmente à la lecture de certains passages en anticipation de l'action à venir. D’ailleurs, ont peut dire que la plus grande force de cette œuvre est ce sentiment d'anticipation que l'auteur arrive à créer, et ce dès le début. La première scène du manga est aussi la dernière et la majeure partie l'histoire prend place avant, servant ainsi à contextualiser cette première scène. Le dénouement final, aussi tragique que brutal, permet de mettre un point final magistral à cette grande œuvre.