Sous la surface et entre les lignes...

Dès l'ouverture du premier volume, les premières images... non, en fait, même avant ça, rien qu'à l'inspection de la couverture, il se passe déjà quelque chose.


Une couverture monochrome, une couleur par volume, un trait qui évoque plus l'école du comics underground made in US (Burns et Clowes en tête, des références qui ne s'arrêtent d'ailleurs pas au style graphique...), une page de garde en calque arborant un motif psychédélique, bref, rien de bien original a priori, mais un objet particulièrement soigné, à l'image de la ville de New Soil, lieu d'une disparition mystérieuse, un couple et son enfant, sans piste apparente à part le fait qu'un gigantesque tas de ce qui semble être du sel soit apparu au milieu de la cour de l'école... et dans la chambre de la jeune fille disparue (bien que le "tas" en question ait une forme mi phallique mi humanoide).

Débarquent donc dans ce microcosme un inspecteur crasseux et blasé, accompagné de sa timide et volontaire subordonnée (qu'il surnomme "le thon").
L'inspecteur oscille entre remarques déplacées, grattage de parties intimes (orteils, couilles...etc), reniflage de doigts, et m'enfoutisme débonnaire, alors que la jeune femme se débat au milieu de mystères qui s'accumulent sans pour autant avoir beaucoup plus de succès que son supérieur.


La ville de Soil est soignée, propre, fleurie, lisse. Mais il suffit d'un "corps étranger" (expression récurrente au fil des volumes) pour que l'équilibre se brise, que les fissures deviennent apparentes, et que les ombres enfouie dans l'épaisseur du sol remontent à la surface.

C'est d'ailleurs bien de jeux de surfaces qu'il s'agit, de surfaces et de textures, étalées dans l'espace et dans le temps.
Et c'est entre les espaces que se forment les réponses, que le mystère gronde.

Des personnages bien trempés, une intrigue de plus en plus prenante, si Twin Peaks devait avoir un équivalent en BD, ce serait certainement Soil.

Noter est toujours difficile, et un peu ridicule finalement.
Pourtant, parfois, c'est une façon des plus directe de dire "fuyez", ou "ne passez surtout pas à coté de ça".
Pour Soil, la note s'est imposée d'elle même

Il existe un territoire effleuré, parfois traversé par certaines oeuvres, un territoire particulier qui se reconnait à la sensation qu'il soulève lorsqu'on s'y aventure. On ne s'en rend compte qu'une fois la frontière passée.
Tout ce qui est excellent ne provient pas nécessairement de ce territoire, mais tout ce qui réussit à toucher à cette zone est assurément excellent.
Il y a eu Grande Ourse et Twin Peaks dans les séries TV, David Boring, The Hole, Comme un Gant de Velours Pris dans la Fonte dans le comics "underground".

Dans le manga, c'est Soil. Point final.