Il faut bien reconnaître que Tant pis pour l’amour (ou comment j’ai survécu à un manipulateur) convoque une curiosité teintée de voyeurisme : le caractère ordinaire de l’intimité supposant une bonne dose de mystère de l’extérieur, le paradoxe est total. Et pour peu que vous soyez sensible à la thématique prédominante, ici les grandes montagnes russes de l’Amour, l’hameçon est alors des plus efficaces : Sophie Lambda nous tient.


De fait, la lecture est sans appel : se dévorant d’une traite, sa première bande-dessinée est un sincère et fascinant témoignage. Assimilable à l’ultime catharsis de son auteure, Tant pis pour l’amour relate avec une bonne dose de dérision l’épisode sentimental le plus douloureux, et destructeur, de son existence : avec un semblant de vernis fictionnel, la mascotte qu’est Chocolat arrondissant les angles sans pour autant en amoindrir la portée, ce récit doublé d’un épais versant pédagogique ne se réduit pas qu’à de la simple autobiographie.


Là est d’ailleurs sa grande force, à savoir sa position de cas pratique authentique composant un guide précieux : avec pour sujet véritable l’influence néfaste des manipulateurs de tous bords (références à l’appui, Sophie Lambda ne sombre pas dans la caricature), Tant pis pour l’amour décrypte aussi bien sa relation avec Marcus que les mécanismes génériques à l’œuvre. Ne manquant d’ailleurs pas de pointer ses propres défaillances, confiance aveugle et naïveté constituant un cocktail à double-tranchant, elle confère à sa BD une hauteur, pour ne pas dire neutralité, soulignant le long processus l’ayant conduit à son écriture.


Distillé avec une certaine parcimonie, l’humour est d’autant plus efficient qu’il épouse parfaitement les différentes étapes de l’enfer vécu, quoiqu’il ancre davantage Tant pis pour l’amour dans une légèreté de ton bienvenue (pour ne pas dire nécessaire) : un constat de toute façon à l’image du trait rond, simple mais définitivement joli de Lambda, le tout dans des cases privilégiant les monochromes sur noir et blanc.


Au bout du compte, s’il fallait en nuancer l’indubitable réussite, il s’agirait de pointer du doigt une certaine redondance : car, du propre aveu de l’auteure, il fallait remplir les 300 pages pour lesquelles elle avait signé, soit un exposé pédagogique ayant tendance à traîner en longueur, quitte à reformuler des évidences préalablement exposées. Dans une veine toujours plus subjective, je regretterai enfin qu’elle ait décidé (une fois encore, ce choix nous est partagé) de ne pas inclure son handicap dans le récit-même : un détail non anodin dont ce diable de Marcus a (supposément) pu abuser, mais soit.


In fine, le bilan est de toute façon des plus positifs : traitant avec expérience et recul la toxicité des manipulateurs égocentrés, Tant pis pour l’amour sait être à la fois émouvant, amusant et didactique. Bravo Mélissa.

NiERONiMO
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le 11 nov. 2020

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